LES CHIFFRES progressent, doucement mais sûrement. L’usage régulier d’alcool et de cannabis en France se situe au-dessus des moyennes européennes. Quant au tabac, il fait de plus en plus d’adeptes, avec près d’un jeune sur 3 qui fume quotidiennement. Le Pr Michel Reynaud juge cette évolution « inquiétante ». Pourquoi ? Parce que de nouveaux comportements se développent, tels que l’Alcoolisation Ponctuelle Importante (API). « La consommation d’alcool est banalisée, et les cuites ont été poussées à devenir la norme », regrette le praticien. Et pour cause, la moitié des adolescents de 17 ans déclarent avoir bu au moins 5 verres en une même occasion au cours du dernier mois. Quant au cannabis, il n’est pas encore temps de lâcher les rênes. Plus de 5 % des jeunes de 17 ans présentent des risques d’usage problématique ou de dépendance, Avec deux fois plus de garçons que de filles.
Le Pr Reynaud attire l’attention : « La consommation de cannabis est inquiétante sur deux plans. D’abord sur un plan de santé publique, et sur un plan de sécurité publique ». Outre les conséquences sanitaires, la délinquance liée à l’usage de cannabis pose un réel problème d’ordre public (trafic, violences à autrui, rapports sexuels protégés, accidents de la route).
Sensibiliser les médecins.
Face à ce constat rapporté par le Pr Reynaud, le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives (septembre 2013) a priorisé la prévention de la consommation de drogues chez les jeunes. Outre le renforcement d’actions préventives, et le développement de dispositifs d’aide aux familles, le plan vise à améliorer le système de soins. Comment ? En formant les intervenants de première ligne, d’une part au repérage des conduites addictives, d’autre part aux interventions précoces. Ainsi, les médecins généralistes sont les premiers concernés. Si le plan gouvernemental s’est engagé à mettre en œuvre ces mesures, il y a fort à parier que cela prenne du temps. En attendant, rien n’empêche d’agir à son niveau lorsqu’un ado se présente à son médecin. L’auteur du rapport insiste : « Il faut systématiquement interroger l’ado sur sa consommation de toxiques ». Sans oublier l’alcool, dont la consommation reste banalisée. Faute de prévention primaire efficace des API, l’action individuelle reste la seule possible. Le spécialiste conseille : « Il faut aborder naturellement la consommation de toxiques. En parler ouvertement en évitant un discours trop sanitaire et moralisateur. Un ado consomme, d’abord parce que ça lui fait plaisir. » Difficile de sensibiliser un ado aux risques à long et moyen terme. L’adhésion au discours du médecin ne se fera qu’au prix d’une relation de confiance. La particularité d’un ado est qu’il doit être considéré à la fois en tant qu’enfant et en tant que personne à part entière. « Il faut le voir seul, mais aussi avec sa famille. Faire en sorte que l’adolescent ait l’impression que ce qu’il dit ne se retournera pas contre lui », explique le Pr Reynaud.
Se former aux interventions précoces.
Au-delà du simple repérage, auquel la sensibilisation de la profession est cruciale, des méthodes d’interventions précoces méritent d’être proposées aux adolescents concernés. Le praticien précise : « De multiples études ont prouvé l’efficacité des interventions brèves telles que l’entretien motivationnel et la Thérapie Cognitive et Comportementale. » Pour cela, une formation des professionnels est indispensable, qu’il s’agisse du personnel des Consultations Jeunes Consommateurs (CJC), des psys ou des médecins généralistes. Michel Reynaud insiste : « Si les médecins étaient mieux formés à accueillir ces jeunes patients, il serait possible de réduire les dommages liés à ces consommations. » Seule incertitude : le délai de la mise en place de ces formation. Or, « de nombreux médecins ne se sentent pas formés ». Si c’est le cas, qu’ils se rassurent. Il est possible, et même conseiller, d’orienter l’adolescent vers des structures spécialisées, telles que les CJC ou les équipes spécialisées hospitalières.
* Pr Michel Reynaud, chef de l’unité de psychiatrie et d’addictologie de l’Hôpital Paul Brousse.
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