La demande de grossesse après un cancer du sein est de plus en plus fréquente depuis une dizaine d’années. Auparavant, elle était contre-indiquée dans cette situation, sur l’argument que l’imprégnation hormonale en estrogènes était extrêmement forte et que le cancer du sein était hormonodépendant.
Depuis 8 à 10 ans, des études de cohortes internationales ont montré que les femmes qui avaient eu une grossesse après cancer du sein récidivaient moins. « Si ces études présentaient probablement des biais méthodologiques, elles ont quand même mis en évidence que la grossesse n’augmentait pas les récidives », rectifie le Dr Christine Decanter (Lille). À partir de là, la grossesse ne fut plus contre-indiquée mais les oncologues continuaient à s’opposer à la FIV et aux stimulations ovariennes aux patientes ayant présenté un cancer du sein et qui ne pouvaient pas entrer en gestation pour diverses raisons. Les médecins de la reproduction ont alors fait remarquer aux oncologues qu’ils autorisaient parfois la grossesse après cancer du sein – ce qui soumet les femmes à des taux d’estradiol très élevés pendant 9 mois. Pourquoi alors refuser une stimulation ovarienne pour une FIV, qui expose la femme à des taux d’estradiol élevés, certes, mais seulement pendant quatre jours ?
L’argument a porté puisque, depuis 4-5 ans, les médecins de la reproduction ont l’autorisation de pratiquer des FIV chez des femmes ayant des antécédents de cancer du sein. Ce qui implique certaines précautions, notamment de consulter l’oncologue, faire un nouveau bilan complet pour s’assurer de la guérison et de l’absence d’une autre lésion débutante.
« Aujourd’hui, un nouveau pas est franchi, souligne Christine Decanter. Nous faisons des stimulations ovariennes pour FIV entre la chirurgie et la chimiothérapie afin de congeler des ovocytes, en prévention des dégâts induits par la chimiothérapie sur le fonctionnement ovarien. Bien sûr, cette procédure ne s’applique pas à toutes les femmes, une sélection précise doit être réalisée auparavant par l’oncologue ». Des études sont en cours sur cette congélation dans le cancer du sein. « Mais nous ne savons pas encore quel sera le taux de grossesse après utilisation de cette technique. Les grands progrès réalisés dans la congélation ovocytaire nous permettent cependant d’envisager sereinement cette méthode. Sous réserve que les femmes aient terminé leur traitement et qu’elles soient sorties de la période d’incidence maximale de rechute avant d’envisager sereinement leur grossesse, c’est-à-dire 2 à 3 ans », précise le Dr Decanter. À noter que certaines femmes parviennent à concevoir spontanément.
Un Observatoire de la fertilité.
La fertilité est évaluée grâce à des appareils d’échographie de plus en plus performants qui permettent un comptage folliculaire assez précis et par l’hormone anti-mullerienne (AMH). À Lille, s’est ouvert un Observatoire de la fertilité avant la prise en charge du cancer, pendant celle-ci et après traitement. La conservation des ovocytes y est proposée aux femmes avant la chimiothérapie, elles passent une échographie, leur AMH est dosée et ces paramètres sont suivis pendant le traitement et deux ans après.
« L’AMH après chimiothérapie est généralement non dosable mais on peut, dans de rares cas, assister à son élévation très progressive et souvent partielle, précise le Dr Decanter. Je voudrais insister sur le fait que les patientes qui ont perdu énormément de follicules après la chimiothérapie peuvent en conserver certains qui restent féconds. Reste à savoir si un stock folliculaire amputé par la chimiothérapie est un facteur de mauvais pronostic en termes de chances de conception ». Quoi qu’il en soit, le désir d’enfant de ces femmes est un signe de vie et d’espoir dans cette maladie chargée de menace.
Entretien avec le Dr Christine Decanter, gynécologue, médecin de la reproduction, CHRU, Lille
Article suivant
Thérapeutique à la carte
Grossesse et fertilité
Thérapeutique à la carte
Enfin réunis !
Les études ne manquent pas, la persévérance est de rigueur
Pas à pas, des résultats convaincants
Immunothérapie, en avant toute !
Des traitements de plus en plus personnalisés
Le challenge des prochaines années
Les clés de la prévention tertiaire
Enfin, de nouveaux traitements dans les cancers gynécologiques
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024