Le cancer pancréatique est diagnostiqué au stade métastatique dans plus de 60 % des cas. Sans traitement, la survie était de 4 à 5 mois. Puis une étude parue en 1997 a mis en évidence que la gemtabicine apportait un bénéfice clinique et un avantage (modeste) sur la survie par rapport au 5-FU (1). Ce travail fut contesté à l’époque, notamment parce que l’index clinique utilisé avait été conçu spécialement pour l’étude. Quoi qu’il en soit, la gemcitabine devint le traitement standard international dans le cancer pancréatique métastatique. Puis, une dizaine d’études furent publiées avec la gemcitabine seule versus associée à une autre chimiothérapie ou à la biothérapie. Résultats : la gemcitabine faisait aussi bien seule qu’associée à une autre molécule.
En 2011, le paysage change grâce à une étude publiée par le groupe PRODIGE (2). 342 patients étaient randomisés en deux groupes, l’un recevant Folfirinox (oxaliplatine, irinotecan, leucovorine, fluoro-uracile), l’autre de la gemcitabine. Ce traitement plus agressif est réservé à des patients sélectionnés, c’est-à-dire avec une bilirubine normale et un bon état général en début de traitement. La survie globale est de 12 mois dans ce contexte, contre 6 avec la gemtabicine. Et la survie sans progression de 6 mois, contre 3 avec la gemtabicine. « Certes, souligne le Pr Julien Taïeb (Paris), les résultats restent modestes, mais le gain existe. D’autant que, lorsqu’un traitement fait ses preuves, on apprend à l’utiliser et les résultats sont alors meilleurs que ceux des études. Ce protocole est très utilisé en France et, pour cause de sélection des patients, il est réservé à 40-50 % des cancers du pancréas ».
Nab-pacliitaxel plus gemtabicine.
Fin 2013, parurent les résultats de l’essai international randomisé MPACT (3). 861 patients avaient été randomisés en deux groupes : 430 sous gemtabicine et 431 sous nab-paclitaxel (Abraxane) plus gemcitabine. Le critère d’évaluation principal était la survie globale. D’autres critères incluaient la survie sans progression ainsi que la sécurité et la tolérance de l’association. Le nab-paclitaxel contient des nanoparticules de paclitaxel lié à de l’albumine sérique humaine, le paclitaxel étant à l’état amorphe et l’albumine favorisant le transport du paclitaxel à travers les cellules.
L’association nab-paclitaxel plus gemtabicine s’est accompagnée d’une augmentation significative de la survie globale et de la survie sans progression au prix d’effets secondaires un peu plus fréquents (myélosuppression et neuropathies). « Les résultats sont un peu moins impressionnants que ceux du Folfirinox, commente le Pr Taïeb, mais les malades étaient moins sélectionnés. Aujourd’hui, il y a donc plusieurs possibilités de traitement pour les patients atteints d’un cancer du pancréas métastatique. Il nous reste à savoir s’il existe des sous-groupes qui réagissent différemment et des facteurs prédictifs d’efficacité de tel ou tel produit. Dans notre service, nous avons lancé une étude de cohorte nationale chez des patients qui ont reçu Folfirinox puis du nab-paclitaxel dans un deuxième temps. Les premiers résultats sont encourageants. Reste à trouver la meilleure séquence pour chaque patient ».
Entretien avec le Pr Julien Taïeb, Service d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive, HEGP, Paris.
(1)Burris HA et al. J Clin Oncol. 1997 Jun;15(6):2403-13.
(2) Conroy et al for the Groupe Tumeurs Digestives of Unicancer and the PRODIGE Intergroup. NEJM 2011 May 12;364(19):1817-25.
(3) Von Hoff DD et al. NEJM 2013 Oct 31;369(18):1691-703.
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