LE TABAGISME a des effets métaboliques importants. On sait par exemple qu’il majore de façon considérable les risques de complications macro- et microvasculaires chez les diabétiques.
Mais, on le sait moins, chez les non diabétiques fumeurs, le tabagisme élève le risque de développer un diabète de type 2 ; de 44 % en moyenne (1), selon une méta-analyse de 25 études prospectives de cohorte. Un effet dose-dépendant attribuable en partie à l’augmentation de l’obésité abdominale liée au tabac (2, 3). Certes le poids des fumeurs est globalement inférieur à celui des non-fumeurs, le tabac tend cependant à accroître l’obésité de type androïde sous l’action conjointe d’un effet anti-estrogénique de la nicotine favorisant l’accumulation de graisses abdominales, et d’une mauvaise hygiène de vie, fréquente chez les fumeurs. Les autres médiateurs probables incluent un effet toxique direct du tabac sur les cellules bêta du pancréas favorisant la résistance à l’insuline, une baisse de la fonction endothéliale jouant un rôle dans la résistance à l’insuline des tissus périphériques, l’inflammation chronique liée au tabagisme et la surproduction de radicaux libres. Il semble au final que les effets diabétogènes soient principalement liés à la nicotine mais les mécanismes restent encore peu explorés, et certains sont inconnus. Avec plus de 3 000 composants différents dans la fumée de cigarettes, il est difficile de déterminer toutes les responsabilités en cause.
Le problème est d’autant plus important que le bénéfice de l’arrêt du tabac sur l’induction d’un diabète de type 2 n’interviendrait qu’à long terme. Le risque de diabète des anciens fumeurs, intermédiaire entre fumeurs et non-fumeurs (+23 % par rapport aux non-fumeurs) (1), témoigne d’une certaine réversibilité du diabète après l’arrêt de la cigarette. Un message mitigé par la remise en question de son bénéfice à court terme, lors d’une étude plus récente (4). Elle suggère une hausse transitoire du risque de diabète (+73 % à 3 ans), un résultat à relativiser car basé sur une seule étude, et qui s’atténue avec le temps pour rejoindre celui des non-fumeurs à 12 ans. Quoi qu’il en soit l’arrêt du tabac réduit sur le long terme le risque d’apparition d’un diabète, en relation avec une augmentation de la sensibilité à l’insuline, et une diminution de l’inflammation systémique, et son avantage n’est plus à prouver dans d’autres pathologies. Chaque patient étant un fumeur potentiel, pensons à y consacrer quelques minutes lors de l’interrogatoire médical !
› DOMINIQUE MONNIER
D’après la présentation « Tabagisme et diabète : liens et prise en charge » du Dr Carole Willi Clair, chef de clinique, polyclinique médicale universitaire de Lausanne.
(1) Willi C et al. Active smoking and the risk of type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. JAMA. 2007 Dec 12;298(22):2654-64.
(2) Clair C et al. Dose-dependent positive association between cigarette smoking, abdominal obesity and body fat: cross-sectional data from a population-based survey. BMC Public Health 2011;11:23.
(3) Chiolero A et al. Consequences of smoking for body weight, body fat distribution, and insulin resistance. Am J Clin Nutr 2008 Apr;87(4):801-9.
(4) Yeh HC et al. Smoking, smoking cessation, and risk for type 2 diabetes mellitus : A cohort study. Ann Intern Med 2010;152:10-7.
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