LE QUOTIDIEN : Quel bilan dressez-vous de la mise en place du RIHN ?
Pr AXEL KAHN : Le RIHN a été créé notamment pour garantir l’accès aux tests oncogénétiques et aux tests sur les tumeurs, une avancée majeure pour la prise en charge des patients atteints de cancer. Ces tests sont désormais indispensables pour bien connaître les caractéristiques moléculaires des cancers, identifier les bons traitements, personnaliser la prise en charge et mieux apprécier les phases évolutives.
Mais l’accès à ces tests est aujourd’hui compromis essentiellement pour des raisons de financement. Alertée par les professionnels, la Ligue a lancé un groupe de travail sur cette question avec Unicancer et dans la pleine transparence avec l’Institut national du cancer (INCa).
Il en ressort principalement que le remboursement des frais engagés n’intervient que douze mois plus tard et tend à n’être que partiel. En 2018, les modalités de financement ont changé avec une facturation des tests au prescripteur conduisant à un reste à charge pour l’établissement. En 2019, le remboursement était de l’ordre de 50 %. Il faudra faire le bilan pour 2020, mais ce sera certainement pire. Le reste à payer devient totalement intolérable pour de nombreux établissements de soin, mettant en danger la perpétuation de certains actes hors nomenclature et en particulier les tests oncogénétiques.
Comment expliquer cette situation ?
Le RIHN − et la liste complémentaire (LC) des actes de biologie médicale et d’anatomie-cytologie-pathologie (ACP) − fonctionnent avec une enveloppe fermée s’élevant à près de 380 millions d’euros chaque année. Mais le nombre d’actes qui peuvent prétendre à être en partie remboursés dans ce cadre ne cesse d’augmenter. Parce que les professionnels y ont plus souvent recours, mais aussi parce que de nouveaux actes sont introduits dans la liste, sans que d’autres en sortent.
Ces éléments font que ce dispositif ne fonctionne pas. Tout le monde le constate et tout le monde s’en plaint. En cancérologie, c’est un obstacle considérable car on ne peut pas se passer des tests oncogénétiques. À l’heure actuelle, cela aboutit à une importante et croissante perte de chance pour les patients dont les traitements ne sont pas optimisés, comme on pourrait le faire si les tests nécessaires étaient effectivement accessibles et réalisables. L’insuffisance du système est également reconnue par l’INCa qui avait consacré un séminaire à ce sujet en 2019.
Comment expliquez-vous que peu d’actes sortent de cette liste hors nomenclature ?
Tout simplement, parce que le dispositif de sortie des actes n’a pas été précisé. Aucun système de révision périodique, systématique et généralisé évaluant la légitimité de la présence des actes dans la liste n’a été prévu. Les retraits se font au cas par cas. Le nombre d’actes ajoutés va bien au-delà de ceux qui sont retranchés et, je le répète, sans révision de l’enveloppe budgétaire allouée.
Ce système est autodestructif. Sans réforme, les difficultés d’accompagnement de la prise en charge et de traitement des tumeurs par l’accès aux tests oncogénétiques seront croissantes.
J’en ai alerté Olivier Véran, qui s’est déjà penché sur le sujet en tant que rapporteur du budget de la santé, lorsqu’il était député. Mais il ne vous aura pas échappé que les autorités de santé ont d’autres priorités à l’heure actuelle.
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