Que valent les insectes ?

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Publié le 21/02/2025
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Avec une empreinte écologique plus faible que celle des autres animaux d’élevage et des protéines de haute valeur nutritionnelle, la piste des insectes en alimentation humaine semble alléchante.

Une piste intéressante mais peut-être pas mûre pour un développement industriel

Une piste intéressante mais peut-être pas mûre pour un développement industriel
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

En moyenne, un insecte, « c’est 55 % de protéines, 30 % de lipides (dont saturés), 4,5 % de sucres, 6 % de chitine et 4,5 % de micronutriments (vitamines, minéraux, oligo-éléments), phyto-micronutriments (caroténoïdes, polyphénols) et d’autres micronutriments spécifiques à cette classe (ecdystéroïdes, cuticuline) », résume Patrick Borel, directeur de recherche Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) à l’université Aix-Marseille. Ils apportent peu de calcium mais sont riches en magnésium. Ils sont riches en vitamines B, sauf la B1 et la B12, qui est toutefois présente chez certaines espèces comme le ver de farine.

Entomoconversion

« Leur alimentation, l’appétence de l’insecte pour l’aliment, le sexe, les conditions d’élevage, le stade de développement, etc., jouent sur leur teneur en micronutriments », explique le spécialiste. Ainsi, si les larves sont élevées sur des substrats enrichis en oméga-3, les insectes en contiendront. « On peut enrichir des larves d’Hermetia illucens (mouche soldat noire) en vitamine D pour obtenir une concentration 23 fois plus élevée que celle présente dans l’huile de foie de morue ! », indique Patrick Borel. Au niveau des pratiques d’élevage, l’entomoconversion permet aussi de recycler des biodéchets dans l’alimentation, en les faisant ingérer par des insectes, ensuite consommés.

Plusieurs points à résoudre

« Le développement de cette filière nécessite l’acceptabilité de la population, reconnaît Pascale Bazoche, de l’Inrae. Les insectes sont déjà consommés par deux milliards d’individus sur le globe. Les barrières psychologiques et culturelles sont des freins forts. Le goût, la texture et l’apparence peuvent jouer. » La néophobie alimentaire joue sur les réticences mais les personnes les plus concernées par l’environnement ou celles qui sont curieuses sont moins réticentes. Une piste serait d’avoir des produits transformés avec des ingrédients à base d’insectes moins visibles. Le niveau de connaissance et d’information joue aussi. L’éducation sensorielle et nutritionnelle des enfants peut diminuer la néophobie. Ces réticences sont levées pour l’utilisation des insectes dans l’alimentation animale, également intéressante. On sait par ailleurs que les gens sont frileux à l’idée d’une installation d’élevages d’insectes proches de chez eux, surtout en milieu urbain.

Autre frein de taille : les risques toxicologiques doivent être mieux évalués. « On retrouve du plomb, du cadmium, de l’arsenic et du mercure à l’état de traces dans les insectes, nécessitant notre vigilance. Les polluants organiques persistants sont aussi retrouvés, à des teneurs très inférieures à la réglementation, mais il peut y avoir une bioaccumulation pour les larves de mouche soldat noire. Idem pour les résidus de pesticides. Les insectes ne bioaccumulent pas les mycotoxines mais les excrètent, indique Erwan Engel, directeur de recherche à Inrae au Centre de Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes. Autres dangers à explorer : les néoformés suite aux traitements thermiques, les migrants en provenance des plastiques, cartons, etc., les antimicrobiens et les substances endogènes servant aux insectes à se défendre. » Les chercheurs appellent à développer des outils de criblage haut débit des contaminations pour en savoir plus.


Source : Le Quotidien du Médecin