Si « 90 % des femmes ont un reflux des règles, seules 10 % vont développer de l’endométriose. Cette variabilité est due pour moitié à l’environnement ; la nutrition en fait partie », explique Daniel Vaiman (chercheur à l’Institut Cochin).
Les données les plus cohérentes rapportent un risque d’endométriose plus élevé en association avec un faible poids de naissance, un âge précoce des premières règles, des cycles menstruels courts et un faible IMC. « La nutrition pourrait affecter le risque de développer la maladie via la régulation du métabolisme des hormones stéroïdiennes, l’effet sur les contractions musculaires utérines, la régulation de l’inflammation, du stress oxydatif et du cycle menstruel », rapporte Marina Kvaskoff, épidémiologiste chercheuse à l’Inserm-Gustave-Roussy.
L’alimentation occidentale dans le viseur ?
Une étude publiée en 2018 dans l’American Journal of Obstetrics & Gynecology rapportait une augmentation du risque relatif de développer une endométriose de 1,56 pour une consommation élevée de viande rouge (deux fois par jour), comparativement à une consommation faible (une fois par semaine ou moins). Mais dans cette étude américaine, la viande consommée provenait de bétail traité aux hormones, ce qui pourrait jouer (alors que cette pratique est proscrite en France).
Concernant le végétal, une consommation élevée de fruits semble protéger de l’endométriose alors qu’une consommation trop élevée ramène à la normale, sauf chez la fumeuse, chez qui elle reste protectrice (Human Reproduction, 2018).
À noter, un risque accru retrouvé avec les choux, peut-être en raison de leur activité épigénétique particulière. La Nurses’ Health Study II trouve également une association entre la consommation de crucifères et une augmentation de la probabilité de diagnostic d’endométriose. Le syndrome de l’intestin irritable pourrait être en cause. « Il pourrait ne pas s’agir d’une association causale », modère ainsi Marina Kvaskoff, qui incite à ne pas en tirer des conclusions hâtives. Un avis partagé par la Dr Alexandra Aupetit (gastro-entérologue, CHU Rouen), qui rappelle qu’il existe une intrication physiologique entre syndrome de l’intestin irritable (dont le risque est doublé en cas d’endométriose), troubles du comportement alimentaire et dépression, « d’où l’importance de dépister ces trois entités en cas d’endométriose, afin de proposer une prise en charge multidisciplinaire ». De quoi aussi constituer une piste de recherche sérieuse autour de la modulation de l’axe intestin-cerveau, « via l’alimentation anti-inflammatoire, les pré- ou les probiotiques, voire la transplantation de microbiote fécal », note la spécialiste.
Il faut toujours dépister syndrome de l’intestin irritable, trouble du comportement alimentaire et dépression lors du diagnostic
Dr Alexandra Aupetit
S’il n’a pas été trouvé de lien entre tabagisme et endométriose, la Nurses’ Health Study II a rapporté qu’une alimentation équilibrée entraînait une diminution de 13 % du risque d’endométriose à deux ans, alors qu’une alimentation de type occidentale (riche en viande rouge, charcuterie, céréales industrielles, desserts industriels) l’augmentait de 27 %. « En revanche, quand l’endométriose est diagnostiquée, aucun régime ne semble apporter plus de bénéfices, d’où le conseil empirique de manger sainement », conclut Marina Kvaskoff.
La piste du microbiote
L’alimentation affecte aussi le microbiote, y compris au niveau utérin. Fusobacterium a été retrouvée de façon beaucoup plus abondante chez les patientes ayant une endométriose, ce qui ouvre la voie à un éventuel traitement antibiotique, même si cela ne toucherait que 40 % des femmes (Science Transl Med, 2023). « Concernant le microbiote intestinal, des travaux menés à Cochin chez la souris suggèrent qu’un régime occidental entraînerait une baisse de la bactérie Akkermansia, qui a un effet immunoprotecteur. Ainsi, il existe bien un effet significatif de l’alimentation sur la survenue ou le développement de l’endométriose, avec un rôle vraisemblable des altérations du microbiote qu’il faut continuer d’explorer », souligne Daniel Vaiman.
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