LE TRAITEMENT de la goutte aiguë repose habituellement sur la colchicine. Les recommandations de l’Eular 2006 ont précisé que de fortes doses de colchicine comportaient un risque majoré d’effets secondaires par rapport à de faibles doses et que le plus souvent une posologie de 0,5 mg trois fois par jour semble suffisante. Une étude publiée en 2010 (1) a confirmé ces résultats. L’efficacité de deux dosages de colchicine, 1,8 mg et 4,8 mg, s’est révélée similaire ; en revanche, la tolérance de la faible dose était nettement supérieure, équivalente à celle du placebo. En 2012, les recommandations de l’ACR vont dans le même sens : la dose recommandée au début de la crise est de 1,2 mg suivie par 0,6 mg une heure plus tard, à répéter une à deux fois par jour jusqu’à résolution de la crise. Les effets secondaires fréquents de la colchicine ( diarrhée, douleurs abdominales, toxicité neuromusculaire, rhabdomyolyse et risques cutanés) ont conduit à réduire la dose maximale journalière dans de nombreux pays. Les facteurs de mauvaise tolérance sont l’insuffisance rénale et l’insuffisance hépatique. Par ailleurs, les interactions médicamenteuses et alimentaires sont nombreuses : clarithromycine, ciclosporine, kétoconazole, tildiem, verapamil, jus de pamplemousse, statines, antivitamines K…
Les AINS ou, de plus en plus, la corticothérapie sont une alternative thérapeutique. Une étude a ainsi comparé la prednisolone per os et le naproxène dans le traitement de l’arthrite aiguë de goutte chez 120 patients recevant soit 35 mg de prednisone, soit 2 fois 500 mg de naproxène pendant 5 jours. Les résultats montrent une efficacité comparable.
Les inhibiteurs de l’IL-1 (anakinra) ont été proposés dans la crise de goutte, mais ils ne sont pas encore commercialisés avec cette indication. La canakinumab vient d’être approuvée par l’European Medicine Agency.
Objectif : uricémie 6 < mg/dl.
Le traitement doit ramener l’uricémie à un taux inférieur à 6 mg/dl. Mais doit-on abaisser le taux d’acide urique au niveau le plus bas possible ? La question mérite d’être posée car l’acide urique est un anti-oxydant qui pourrait être bénéfique pour le cerveau. On a en effet observé des associations entre les taux très bas d’acide urique et les maladies de Parkinson et d’Alzheimer.
Le régime et l’activité physique semblent avoir un impact modéré sur la diminution d’uricémie (guère plus de 1 mg/dl). Les traitements pouvant induire une hyperuricémie, diurétiques, ciclosporine, tacrolimus… doivent être arrêtés. En cas de goutte et d’hypertension, les diurétiques seront remplacés par d’autres antihypertenseurs (losartan, inhibiteurs calciques). Pour contrôler le taux d’acide urique, le traitement hypo-uricémiant devra être débuté à distance d’une crise aiguë et en association à un traitement préventif des accès (faibles doses de colchicine ou d’AINS ou prednisone).
Les inhibiteurs de la xanthine oxydase sont le traitement de première ligne. Ils peuvent être utilisés chez tous les patients goutteux, même ceux qui ont une néphrolithiase. Ils pourraient même améliorer le risque cardiovasculaire. Habituellement, la dose de 300 mg d’allopurinol est la posologie maximale recommandée, mais cette dose peut parfois s’avérer insuffisante. On préconise de commencer par 100 mg et d’augmenter toutes les 2 à 3 semaines jusqu’à obtenir la dose thérapeutique efficace. L’allopurinol peut entraîner des réactions cutanées, parfois sévères (syndrome de Lyell, syndrome de Steven-Jonhson et le DRESS syndrome). Les facteurs de risque sont connus : début récent d’un traitement par l’allopurinol, intolérance cutanée connue au préalable, groupe HLA-B-5801 chez les Asiatiques, coprescription de diurétiques ou non prise en compte d’une insuffisance rénale. L’incidence est de 0,69 pour 1000 patients et la mortalité de 26 %. Il faut informer les patients qu’ils doivent arrêter immédiatement l’alloprurinol en cas d’éruption cutanée, surtout si celle-ci est douloureuse.
Le febuxostat est utilisé en Europe à la dose de 80 ou 120 mg. Il est particulièrement intéressant chez les insuffisants rénaux qui ne peuvent être convenablement traités par l’allopurinol. Le febuxostat peut être prescrit lorsque la clairance est supérieure à 30 ml/mn, sans ajustement thérapeutique.
L’uricase pegylée a été approuvée par l’EMA. Elle est recommandée dans les crises de goutte tophacée qui n’ont pas été améliorées par les autres hypouricémiants. Elle est administrée à la posologie de 8 mg IV toutes les 2 semaines. Une prémédication par corticothérapie est obligatoire avant chaque perfusion. Dans la goutte chronique réfractaire, un dosage de l’uricémie doit être fait avant chaque perfusion.
Une mauvaise compréhension du traitement par le patient est souvent une cause d’échec. Pour l’éviter, il faut lui expliquer de façon répétée la cause de la goutte, les traitements, les risques d’effets indésirables… Enfin, la prise en charge implique une surveillance régulière de la glycémie et une éducation du patient.
D’après une communication du Pr Thomas Bardin (hôpital Lariboisière, Paris ). Hot Session 3 Gout and other crystal diseases.
(1) Terkeltaub RA et coll : High versus low dosing of oral colchicine for early acute gout flare: Twenty-four-hour outcome of the first multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled, parallel-group, dose-comparison colchicine study.Arthritis Rheum 2010;62(4):1060-8.
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