VIES DE MÉDECIN

Stéphane Delajoux, Bashing doctor

Publié le 19/03/2014
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Pour vivre heureux, vivons caché. Une résolution qui vient un peu tard pour Stéphane Delajoux ? « Cet adage est aujourd’hui mon choix de vie », assure-t-il. Le neurochirurgien de la clinique Monceau, non loin du très chic parc éponyme de la capitale, refuse toutes les sollicitations médiatiques : « Je n’accorde aucune interview, confie-t-il au « Quotidien » (qui bénéficie d’une dérogation exceptionnelle, négociée au forceps). Je n’ai pas davantage donné suite aux propositions alléchantes des éditeurs. » « Quand « Gala » ou « Closer » publient une photo volée, avec mon épouse Julie Andrieu et notre bébé, je porte plainte. Et je gagne à chaque fois. » En tout, il a engagé une trentaine de procédures depuis l’affaire Johnny, en 2009. « Toutes gagnées, note-t-il, sans qu’aucun média n’en fasse jamais mention. Par contre, quand survient un problème de responsabilité, comme il peut arriver à tout praticien, les journaux se précipitent. C’est comme ça. Je suis marqué à vie. » Bashing doctor.

« Lorsque Jean-Claude Camus l’a traité de boucher, après l’intervention sur Johnny, se souvient Julie Andrieu, l’animatrice télé qu’il a épousée en 2010, Stéphane est devenu l’ennemi public numéro un, subissant un acharnement médiatique incroyablement violent. Je l’ai vu prendre les coups avec un aplomb sidérant. Au propre et au figuré ! Il n’a pas bronché. À l’époque, je m’étais dit qu’une telle solidité cachait quelque chose, qu’il allait s’effondrer brutalement. Mais non, il me répétait qu’il n’avait commis aucune erreur et qu’il serait lavé de tout ça. Il suffisait d’attendre. Zéro stress ! »

Une victime en blanc ?

De fait. Les experts ont conclu que l’opération sur le rocker s’était déroulée dans les règles de l’art, selon une bonne indication et avec une technique appropriée. Entre-temps, le programme opératoire du Dr Delajoux a fondu. Faut-il alors le victimiser ? Faire de lui l’innocente victime en blanc d’une énorme arnaque, selon sa formule, avec des intérêts financiers considérables à la clé ? « C’est compliqué, admet un de ses meilleurs amis, le Dr Didier Feltesse, spécialiste en médecine physique, les médias ont déterré dans son parcours une vieille affaire d’escroquerie à l’assurance, qui n’avait rien à voir avec la médecine, après un accident de ski quand il était interne. Rien à voir avec sa pratique médicale, mais ils ont fait illico l’amalgame ». « J’avais pété un câble, paniqué par les conséquences financières de l’accident, sans parler des séquelles physiques que j’ai gardées, plaide l’intéressé. Depuis, on me ressort cette affaire à chaque fois. »

L’autre argument à charge, c’est l’étiquette de « chirurgien des stars ». Plus motivé par les paillettes et l’argent que par son art, comme l’avait dénoncé l’avocat Olivier Metzner (condamné depuis par la justice pour ces propos). « Metzner était l’avocat de Bertrand Cantat, rétorque Stéphane Delajoux, il réglait ses comptes après mon expertise médicale sur la mort de Marie Trintignant. À l’époque, ma réputation de spécialiste avait décidé la famille Trintignant à faire appel à moi pour une intervention de la dernière chance à Vilnius. » Avant l’actrice, Il opéra Sandrine Kiberlain en 2000. Et puis Charlotte Gainsbourg, en 2007. « Il lui a sauvé la vie en l’opérant d’un hématome sous-dural qui saignait à bas bruit », selon le Dr Marie-Claude Feltesse, une ophtalmologiste de ses amies. Et puis Johnny, la première intervention en 2008. Sans histoire. Et la seconde, avec (voir encadré).

L’actrice et le chirurgien cloîtrés

Élevé à Paris, puis dans les Vosges par une mère prof d’histoire, avec trois frères et un père absent, le petit Stéphane a eu « une enfance pas gâtée », lâche-t-il. « Faut-il voir dans cette histoire familiale la cause d’un désir d’accéder à l’univers fantasmatique des stars ? », s’interroge le Dr Feltesse. L’intéressé se défend de la moindre fascination. Restent ces cinq ans de vie commune avec Isabelle Adjani, l’actrice française la plus césarisée et la plus oscarisée de l’histoire.

« En fait, ce furent les années de ma vie où j’ai vécu surtout caché, se souvient-il. Isabelle est ultra-casanière et j’avais pour règle de ne pas l’accompagner dans ses rares sorties. » Cloîtrés, l’actrice et le chirurgien montent à deux un projet de site médical (« Docteur plus »), qui restera inabouti. L’affaire s’est mal finie, tribunaux et dénonciation au fisc à la clé. « Avec ma première épouse, professeur de droit, après 14 ans de mariage, nous avons gardé les meilleures relations, autour de nos deux fils. Mais avec Isabelle le clash a été violent. » Et public. En pleine affaire Johnny, l’actrice s’est lâchée, l’accusant d’escroquerie. Des « réactions de femme délaissée », commente sans plus son ex. Bashing doctor. Starfucker en prime !

D’autant qu’est revenue au jour une autre polémique, hospitalo-universitaire celle-là, autour de sa nomination comme chef de clinique, à la Salpêtrière, dans un contexte de guerre ouverte entre deux mandarins. À l’issue d’un procès (le premier devant les juridictions), le tribunal administratif l’a disculpé de l’incrimination d’usurpation de titre, condamnant l’AP-HP et lui donnant gain de cause. Mais après des études qui font dire à l’ex-doyen de Necker, le Pr Philippe Even, qu’il s’est distingué comme « l’un des étudiants les plus brillants de la faculté », Stéphane Delajoux se dit « dégoûté du panier de crabe hospitalo-universitaire, où tout le monde veut être calife à la place du calife ». Il exercera dans le privé, à la fondation Rothschild, puis à Monceau. « Quand on quitte l’hôpital, on cesse d’être protégé, note-t-il, on s’expose aux jalousies et aux coups tordus. » Cette jalousie qu’« excite son physique de super-beau gosse », témoigne le Dr Marie-Claude Feltesse. Et évidemment qu’exaspère la célébrité de quelques-uns de ses patients.

N’importe, son métier le fera tenir, dit-il. Contre vents médiatiques et marées judiciaires. « La vocation de chirurgien m’est venue tôt, confie le Dr Delajoux, j’étais en classe de troisième, et j’ai accompagné un chirurgien ami de la famille au bloc pour une césarienne. Depuis, à travers tous les événements, ma passion pour la chirurgie n’a jamais faibli. Cet univers clos et magique, où l’on évolue en cosmonaute, c’est toute ma vie. » Une vie tempétueuse sous les flashs, au dehors, zen sous les scialytiques. « Stéphane a son métier dans la peau, confirme Julie Andrieu. À la maison, c’est un papa poule, qui ne voit que quelques rares amis. Après tout ce qui lui est arrivé, je ne l’ai jamais vu s’apitoyer sur son compte. Il n’y a pas moins égotique et moins mondain que lui. » Aujourd’hui, le bashing doctor se déclare « heureux, tout simplement heureux ». Une info est encore sortie sur lui récemment dans le « Nouvel Obs », mais son nom, une fois n’est pas coutume, n’a pas été mentionné : la chirurgie du rachis à la clinique Monceau (il en est le seul praticien), a été classée 2e pour Paris- Île de France des meilleurs hôpitaux et cliniques. Pour vivre heureux, vivons caché. Et bien noté.

Christian Delahaye

Source : Le Quotidien du Médecin: 9310
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