Une addiction encore à l’étude

Écrans, un peu, beaucoup, trop ?

Publié le 02/12/2019
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Si l’OMS a reconnu depuis peu l’addiction aux jeux vidéo, l’ensemble des troubles liés au mésusage des écrans n’est pas encore admis sur le plan international. La littérature s’étoffe, mais la question est complexe, concernant ces outils qui font aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien.
6 jeunes sur 10 n’éteignent jamais leur téléphone

6 jeunes sur 10 n’éteignent jamais leur téléphone
Crédit photo : Phanie

Dans sa classification internationale des maladies, l’OMS caractérise le trouble du jeu vidéo (Gaming Disorder) comme un usage pathologique pendant au moins 12 mois, avec une perte de contrôle sur le comportement de jeu, qui devient prioritaire et prend le pas sur les autres activités et centres d’intérêt, et persiste malgré le retentissement significatif sur les études, les résultats scolaires, les relations familiales et sociales. « L’addiction caractérisée aux jeux vidéo (en ligne ou non) ne concerne qu’une minorité de joueurs, le plus souvent des personnes qui éprouvent des difficultés dans la vie réelle pour nouer des relations avec les autres », explique la Dr Aurélia Gay, service universitaire de psychiatrie et addictologie, CHU de Saint-Étienne. La reconnaissance par l’OMS est un premier pas pour la responsabilisation de tous, qu’il s’agisse des éditeurs de jeux, des responsables de la santé publique, de l’information ou du développement de l’offre de soins.

Des usages spécifiques à différencier

Ces dernières années, les écrans ont pris une place considérable, avec des usages multiples dans notre vie quotidienne, professionnelle ou privée, que ce soit pour communiquer, lire, s’informer, etc. En France, on passerait 4 h 48 en moyenne par jour sur internet et 1 h 22 sur les réseaux sociaux. En ce qui concerne les jeunes, selon l’enquête Escapad menée lors des Journées d’appel de préparation à la défense, en mars 2017, plus de la moitié passe au moins 4 heures par jour sur les écrans – smartphone, tablette, télévision, console, ordinateur – et 6 jeunes sur 10 n’éteignent pas leur téléphone lorsqu’ils vont dormir, ni en cours.

Plusieurs études ont été menées sur la surutilisation des smartphones, des réseaux sociaux ou d’internet. On a constaté des différences selon le genre, les filles allant plutôt vers un usage problématique des réseaux sociaux, tandis que les garçons vont plutôt vers les jeux en ligne. Mais on manque encore d’études qui s’intéressent aux spécificités en fonction du type d’utilisation.

Une alliance thérapeutique à mettre en place

La demande de prise en charge est croissante. Il est important de bien flécher le parcours afin que l’entourage connaisse les consultations spécialisées. Devant des inquiétudes parentales, la première étape est de distinguer un usage problématique d’un investissement excessif, mais transitoire à l’adolescence.

Il est essentiel, mais pas toujours évident, de développer une alliance thérapeutique avec des personnes souvent amenées par l’entourage et de leur faire prendre conscience du problème. On propose généralement des psychothérapies d’inspiration cognitivocomportementale, un travail familial, au minimum par des entretiens familiaux. La prise en charge est globale : médicale, psychologique avec, si besoin, un versant éducatif et familial. Les comorbidités associées, anxieuses ou dépressives, voire les troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention, doivent être abordées si nécessaire avec un traitement pharmacologique. On manque encore de données sur l’évolution de ces troubles en l’absence d’études longitudinales, certains pouvant être susceptibles de s’améliorer spontanément.

Entretien avec la Dr Aurélia Gay (Saint-Étienne)

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin