À l’annonce du diagnostic de BPCO

L’incitation à l’arrêt ne suffit pas

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Publié le 18/11/2019
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Chez le patient atteint de BPCO, l’arrêt du tabac rencontre de nombreux obstacles, d’autant qu’il existe une fréquente association à des troubles anxiodépressifs. Il faut proposer une prise en charge personnalisée.
Une prise en charge fondée sur les principes de l’éducation thérapeutique

Une prise en charge fondée sur les principes de l’éducation thérapeutique
Crédit photo : Phanie

Les personnes souffrant de BPCO sont le plus souvent des « hard score smokers », ceux qui inhalent profondément la fumée, ont une consommation élevée, une forte dépendance, et très souvent de mauvaises expériences du sevrage. Ils considèrent généralement qu’il est trop tard pour arrêter et qu’ils n’en seront jamais capables. « Beaucoup se plaignent que les médecins passent d’emblée aux bronchodilatateurs et à la kinésithérapie et que concernant le tabac, ils sont simplement sommés d’arrêter, sans proposition d’aide concrète », constate le Dr Gérard Peiffer (CHR Metz-Thionville).

Négocier le sevrage

Les discours culpabilisants ou moralisateurs ne font guère avancer la prise en charge. Il est au contraire essentiel de faire preuve d’empathie dans la relation avec le fumeur, de s’intéresser à lui et pas seulement à son tabagisme, mettant en œuvre les principes de l’entretien motivationnel, pour créer l’alliance thérapeutique, avec des phrases du type, « comment avez-vous commencé, que pensez-vous faire maintenant que le diagnostic de BPCO est posé, comment envisagez-vous votre arrêt, quel est votre niveau de confiance dans le sevrage, etc. ».

Il faut tenir compte de son expérience lors de tentatives antérieures et ne pas chercher à lui imposer un médicament ou des substituts nicotiniques s’il les refuse. S’il n’est pas prêt à arrêter d’emblée, on peut proposer une stratégie de réduction aidée de la consommation, c’est-à-dire une diminution réelle validée à chaque consultation par la réduction du taux de CO expiré. On co-construit le projet thérapeutique avec le patient, selon les principes de l’éducation thérapeutique. On l’interrogera sur ce qu’il sait de l’addiction à la nicotine, des différentes possibilités thérapeutiques, afin de travailler sur comment il pourrait « défumer ». « On a le temps de mieux connaître le fumeur au travers du puzzle de la dépendance, de se centrer sur ses besoins et ses souhaits et de ne pas lui opposer d’emblée un "stop au tabac" brutal », poursuit le spécialiste. On l’informera sur tous les outils qui vont aider au sevrage, que ce soit la ligne tabac infoservice (39 89), le nom des associations de patients, les applications pour les plus connectés d’entre eux sans omettre les thérapies cognitivo-comportementales ni les alternatives, comme l’acupuncture ou l’hypnose qui, même si elles ne sont pas considérées comme efficaces par la Haute Autorité de santé, ne doivent pas être écartées, si la personne le souhaite.

Si la cigarette électronique n’est pas un moyen validé de sevrage, certains fumeurs y entrent par ce biais ; le médecin ne doit pas les décourager mais au contraire leur apprendre à mieux gérer le manque, en associant dans un 2e temps les substituts nicotiniques habituels ou, en cas d’échec avéré, la varenicline.

Les « teachable moment »

Si l’annonce du diagnostic de BPCO offre l’opportunité de parler du sevrage tabagique, deux autres moments constituent aussi des « teachable moment », des moments clés de l’apprentissage qu’il ne faut pas laisser passer : celui de l’hospitalisation pour exacerbation mais aussi le ré-entrainement à l’effort.

Ces patients doivent être suivis très longtemps, 4 à 6 mois, voire pendant un an, en prêtant une attention toute particulière aux facteurs anxiodépressifs à réévaluer régulièrement.

Entretien avec le Dr Gérard Peiffer, Metz 
Peiffer G et al. BPCO et sevrage tabagique : attentes des patients et réponses des professionnels de santé. Rev Pneum clin. 2018(74) :375-90

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin