Globalement, que ce soit dans les études ou dans la vie réelle, les femmes réussissent moins le sevrage, avec ou sans aide que les hommes, et toutes les données concordent pour montrer qu’elles répondent moins bien aux substituts nicotiniques mais répondent mieux à la varénicline.
Les œstrogènes sont vraisemblablement impliqués dans l’augmentation du métabolisme de la nicotine, quel que soit le mode d’apport. Les doses habituelles de nicotine délivrées par les substituts nicotiniques paraissent donc insuffisantes chez les femmes, ce qui suggère qu’il faut compenser cette augmentation du métabolisme nicotinique par une adaptation individuelle des doses pour arriver au niveau de substitution souhaité. La question se pose essentiellement chez les femmes en âge de procréer, un phénomène amplifié par la prise d’œstroprogestatifs à visée contraceptive. Même constat chez les femmes enceintes, ce qui expliquerait les résultats peu probants des substituts nicotiniques, le métabolisme hépatique augmentant de plus en plus en fin de grossesse (1). Chez la femme ménopausée, le métabolisme nicotinique rejoint celui des hommes. On n’a pas d’études menées chez les femmes recevant le THS, qui sont actuellement peu nombreuses, mais il est probable qu’il accélère aussi le métabolisme de la nicotine.
On ne sait pas exactement pourquoi les femmes répondent mieux à la varénicline, qui n’est pas métabolisée au niveau hépatique, et dans ce cas c’est chez les hommes qu’il faut adapter la posologie.
« Contrairement à ce qui se fait dans les études qui utilisent des doses fixes, en pratique il faut partir des doses préconisées mais ne pas hésiter à augmenter les posologies des substituts et de la varénicline en fonction des symptômes de sevrage et des effets indésirables » recommande le Docteur Ivan Berlin, addictologue, La Pitié-Salpêtrière.
On sait aussi que les femmes sont plus sensibles aux stimuli déclenchant l’envie de fumer comme de voir quelqu’un fumer. Les différences de métabolisme pourraient expliquer que pour satisfaire leurs besoins en nicotine, les femmes en âge de procréer inhalent plus fortement la fumée de cigarettes, et donc plus de cancérigènes, ce qui pourrait rendre compte (2) de l’âge précoce du risque du cancer du poumon récemment démontré chez les femmes américaines. Une étude parue dans le NEJM montre d’ailleurs les cancers bronchopulmonaires surviennent plus précocement chez les femmes ces dernières années (3).
Entretien avec le Dr Ivan Berlin, addictologue, La Pitié-Salpêtrière (1) Bowker K, Lewis S, Coleman T, Cooper S Changes in the rate of nicotine metabolism across pregnancy: a longitudinal study.Addiction. 2015 Nov;110(11):1827-32.2 (2) Berlin I.Incidence of Lung Cancer among Young Women.N Engl J Med. 2018 Sep 6;379(10):9883 (3) Jemal A, Miller KD, Ma J, et al. Higher lung cancer incidence in young women than young men in the United States. N Engl J Med 2018;378:1999-2009
Article précédent
La nouvelle arnaque de l’industrie
Article suivant
THC et CBD : de nouvelles connaissances indispensables en tabacologie
Des différences sexuées dans le sevrage
Tous égaux face au tabac ?
Des interactions à connaître
Le stéthoscope du tabacologue
Les substituts nicotiniques en pratique
Une application pour dépasser les dogmes
Un rôle protecteur ?
La piste cannabidiol
Des chiffres qui inquiètent en Corse
La nouvelle arnaque de l’industrie
Sevrage tabagique : les femmes défavorisées par le métabolisme de la nicotine
THC et CBD : de nouvelles connaissances indispensables en tabacologie
Les femmes plus vulnérables au tabac
L’incitation à l’arrêt ne suffit pas
Des règles plus strictes à l’école
Le diabète, un frein au sevrage
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024