La France compte 13,3 millions de consommateurs réguliers de tabac, 8,8 millions d’usagers réguliers d’alcool et 1,4 million de cannabis. « En population générale, de 10 à 30 % des patients ont un problème lié à une addiction, qui concerne au premier plan l’usage de tabac et d’alcool, a rappelé la Dr Julie Dupouy, médecin généraliste dans la région toulousaine. Les médecins généralistes sont donc en première ligne, à la fois pour le repérage des patients ayant un usage à risque de substances psychoactives et pour leur prise en charge ».
En pratique quotidienne, l’approche doit être centrée sur le comportement du sujet, notamment en l’interrogeant sur les modalités d’usage, en recherchant des épisodes de « craving » ou de perte du contrôle. Dans l’usage répété non problématique, des interventions brèves visant à faire prendre conscience des risques, selon le schéma FRAMES (« Feedback, Responsability, Advice, Menu, Empathy, Self-efficacy ») sont efficaces. Lorsque l’usage est compulsif, la lutte contre le craving se fonde sur le recours à un traitement médicamenteux et une psychothérapie de soutien. « Dans notre pays, les médecins généralistes sont particulièrement impliqués dans la prise en charge des addictions, puisque la France est l’un des rares pays où ils peuvent prescrire de la buprénorphine », a rappelé la Dr Dupouy.
« Le concept de réduction des risques est né au début des années 1980, avec l’apparition de l’épidémie de sida et le changement de vision de la prise en charge des usagers de drogues par voie veineuse, a souligné le Pr Philippe Jaury. L’abstinence est cependant restée un dogme absolu jusqu’à l’autorisation de prescrire des médicaments dits de substitution dans les années 1995. Pour l’alcool, le dogme de l’abstinence, en partie responsable de la prise en charge inadéquate d’une majorité de patients, a perduré jusque dans les années 2007/2010. Il a notamment été remis en question lors de la fusion des structures spécialisées (CSST et CCAA) en Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ».
Les données de l’étude Bacloville, présentées lors du congrès, soulignent l’intérêt du recours au baclofène en ambulatoire dans un objectif de réduction de la consommation d’alcool en dessous des seuils considérés comme à risque (40 g/jour pour les hommes et 20 g/jour pour les femmes). Cette étude a inclus 320 patients âgés de 18 à 65 ans, suivis par des généralistes pour un problème d’alcool, qui ont reçu du baclofène à forte dose (jusqu’à 300 mg/jour) ou un placebo. Après 12 mois de traitement, 56,8 % des patients sous baclofène ont atteint l’objectif, comparativement à 35,8 % de ceux sous placebo (p = 0,003). « Le baclofène traite le craving et l’anxiété et permet en général de continuer une vie normale pendant le traitement, a indiqué le Pr Jaury. Il permet à un certain nombre de patients de reprendre le contrôle de leur vie, mais sa prescription n’est pas simple et doit être modulée à la carte, car le traitement entraîne des effets secondaires, les plus fréquents étant la somnolence, l’insomnie et les troubles cognitifs ».
Le baclofène est un agoniste des récepteurs GABA-B qui diminue la libération de dopamine dans le noyau accumbens et l’aire tegmentale ventrale (circuit de la récompense), utilisé depuis 1972 dans la sclérose en plaques. Il est autorié en France depuis 2014 dans le cadre d’une Recommandation temporaire d’utilisation (RTU), avec de nombreuses restrictions. L’Agence nationale de sécurité des médicaments vient de prolonger d’un an la RTU en levant un certain nombre de restrictions et le laboratoire Ethyphram a déposé le 30 mars 2017 un dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une formulation à forte dose, adaptée au traitement de l’alcoolodépendance.
D’après les communications de la Dr Julie Dupouy (Toulouse) et du Pr Philippe Jaury (université Paris-Descartes)
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