Intégrer l’hétérogénéité de l’asthme sévère pour mieux le traiter

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Publié le 01/10/2021
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Il est maintenant reconnu que l’asthme sévère englobe plusieurs phénotypes et endotypes. Certains sont encore mal compris et difficiles à traiter. De nouvelles thérapies ciblées sont à l’étude, notamment les anti-alarmines, qui suscitent un grand intérêt en agissant très en amont de la cascade inflammatoire.
Environ 30 % des patients souffrant d’asthme sévère ne disposent d’aucun traitement biologique approprié actuellement

Environ 30 % des patients souffrant d’asthme sévère ne disposent d’aucun traitement biologique approprié actuellement
Crédit photo : phanie

La connaissance de la physiopathologie de l’asthme sévère a considérablement évolué ces dernières années, permettant d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour les différents phénotypes et endotypes. Dans les asthmes sévères, les plus caractéristiques sont le type « Th2 high », présentant une surproduction de cytokines Th2, une inflammation éosinophilique élevée (taux éosinophiles sanguins élevés, avec un seuil classiquement de 300 cellules/µL) et le type « Th2 low », non éosinophilique/non allergique.

Malgré ces avancées, bon nombre d’asthmes, le plus souvent sévères, restent encore insuffisamment caractérisés et contrôlés. Une récente étude (1) chez des patients souffrant d’asthme sévère a confirmé l’extrême hétérogénéité de l’inflammation de type Th2, prouvant ainsi l’existence de différents sous-types d’asthme sévère, associés à des caractéristiques cliniques distinctes, à des différences de sensibilisation allergique ainsi qu’à la coexistence ou non d’une polypose nasale, par exemple.

L’espoir des anti-alarmines

Les thérapies par anticorps monoclonaux ont considérablement amélioré les résultats thérapeutiques des patients souffrant d’asthme sévère. Cependant, les traitements biologiques disponibles (anti-IgE, anti-IL5, anti-IL5R, anti-IL4R) ne sont pas appropriés pour environ 30 % des patients souffrant d’asthme sévère non allergique, non hyperéosinophilique. « Les produits biologiques existants ciblent les voies immunologiques en aval de la cascade inflammatoire de type 2, ce qui peut expliquer pourquoi, dans certains cas, les exacerbations ne sont que partiellement supprimées », a déclaré le Pr Guy Brusselle (Belgique).

La réponse inflammatoire impliquant les cytokines IL-4, IL-5 et IL-13, qui correspond aux caractéristiques des exacerbations (inflammation éosinophilique, production de mucus et bronchospasme) est en fait initiée par la libération d’alarmines : la cytokine épithéliale Thymic stromal lymphopoïetin (TSLP), l’IL-25 et l’IL-33. Le rôle central, en amont, de ces cytokines épithéliales a été identifié et elles peuvent ainsi être des cibles thérapeutiques pour prévenir les exacerbations et améliorer la fonction pulmonaire chez les patients atteints d’asthme sévère non contrôlé qui présentent un phénotype non à éosinophiles, et plus particulièrement les patients non Th2 (2).

Lymphopoïétine stromale thymique

Le tezepelumab est le premier anticorps monoclonal dirigé contre la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP). L’étude de phase III Navigator a permis de démontrer son efficacité, chez des patients souffrant d’asthme sévère, non contrôlé (qui recevaient un traitement avec des corticoïdes inhalés plus au moins un médicament de contrôle supplémentaire), quel que soit leur phénotype et qu’ils aient, ou non, un taux élevé d’éosinophiles (3).

Les patients (n = 1 061) âgés de 12 à 80 ans ont été randomisés pour recevoir du tezepelumab (210 mg) ou un placebo par voie SC toutes les 4 semaines, pendant 52 semaines. Les patients traités ont présenté moins d’exacerbations, une meilleure fonction pulmonaire, un meilleur contrôle de l’asthme et une meilleure qualité de vie que ceux ayant reçu le placebo.

De nouvelles données présentées à l’ERS (4) concernant l’effet du tezepelumab chez les patients asthmatiques sévères avec ou sans polypes nasaux, ont montré une réduction de 86 % des exacerbations chez les patients souffrant d’asthme sévère et de polypes nasaux comorbides et de 52 % chez les patients sans polypes nasaux par rapport au placebo. Le tezepelumab a également permis une amélioration des symptômes des polypes nasaux (score Snot-22).

Une autre étude post-hoc (5) a montré que le traitement par tezepelumab permettait une épargne cortisonique. Les patients sous tezepelumab ont eu moins de jours d’utilisation de CSO pour les exacerbations (sur 52 semaines, 3 706 vs 8 220 j dans le groupe placebo) et la dose cumulée était plus faible que sous placebo (425,4 vs 693,3 mg).

Communication du Pr Guy Brusselle (Gand, Belgique) lors de la session « Clinical year in review » et communications orales référencées 

(1) Frossing L. et al. JACI Pract 2021;9(3) :1267-75

(2) Porsbjerg CM et al. Eur Respir J 2020. 56(5 :2000260

(3) Menzies-Gow A et al. NEJM 202 ;384 :1800-9

(4) Menzies-Gow A, et al. ERS 2021, PA876

(5) Bourdin A et al. ERS 2021, OA 148

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin