Pr Marc Humbert : « L’ERS est l’une des plus grandes sociétés savantes médicales »

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Publié le 01/10/2021
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Professeur de pneumologie à l’Université Paris-Saclay, chef du service de pneumologie de l’hôpital Bicêtre (AP-HP), coordonnateur de la filière des maladies respiratoires rares (RespiFIL), le Pr Marc Humbert vient de prendre ses fonctions de président de l’European Respiratory Society (ERS). L’occasion de revenir sur le rôle de cette société savante et les actions qu’il compte entreprendre en tant que président, et de livrer son regard sur certains des points phares de ce congrès 2021.

president ERS

Pr Marc Humbert, Président de l’European Respiratory Society (ERS), professeur de pneumologie à l’Université Paris-Saclay, chef du service de pneumologie de l’hôpital Bicêtre (AP-HP), coordonnateur de la filière des maladies respiratoires rares (RespiFIL)
Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Comment la société européenne de pneumologie ambitionne-t-elle de promouvoir la santé respiratoire ?

PR MARC HUMBERT : L’European respiratory society (ERS) est l’une des plus grandes sociétés savantes médicales au monde et la première en pneumologie, avec plus de 30 000 membres représentant plus de 160 pays. Sa mission fondatrice est de promouvoir la santé pulmonaire afin d’atténuer les souffrances causées par les maladies respiratoires. L’ERS une société très dynamique qui entreprend de nombreuses actions pour promouvoir la science (soutien à la recherche fondamentale, translationnelle et clinique) et améliorer les standards de prise en charge en pneumologie, par des approches rigoureuses d’évaluation des connaissances actuelles, afin d’établir des recommandations de bonnes pratiques et d’apporter aux professionnels une formation de qualité.

Notre société savante a aussi une mission plus politique, qui consiste à sensibiliser les pouvoirs publics et toute la société à l’importance de la santé respiratoire pour le bien-être et la bonne santé de nos concitoyens. L’ERS peut ainsi jouer un rôle de vigie pour alerter sur des sujets majeurs (qualité de l’air, risques du tabagisme, gestion des crises liées aux agents infectieux…).

Nous avons aussi établi un lien privilégié avec les associations de patients, avec en particulier l’European Lung Foundation (ELF), et construit une relation de confiance avec les autres sociétés savantes médicales comme la Société Européenne de Cardiologie (ESC).

Enfin, l’ERS finance des projets de recherche d’excellence et aide à la mobilité des jeunes en formation (bourses d’étude…).

Comment les connaissances scientifiques sont-elles diffusées ?

L’ERS, société mondiale de premier ordre dans le domaine respiratoire, se distingue par différentes publications scientifiques de référence, dont la principale est l’European Respiratory Journal. C’est aujourd’hui l’un des trois plus grands journaux au monde dans le domaine, avec un facteur d’impact à plus de 16 et des perspectives de croissance très rapide. D’autres journaux sont publiés par l’ERS (l’European Respiratory Review, l’ERJ Open Research…) ainsi que, régulièrement, des monographies sur des thématiques prioritaires.

L’évènement annuel majeur pour l’ERS est bien sûr son congrès début septembre qui, cette année encore, Covid oblige, s’est tenu en format digital. Même à distance, le congrès a connu un grand succès et est resté interactif. Il a réuni plus de 23 000 participants du monde entier. Les échanges ont pu se faire grâce à des réunions en studio, pour animer les sessions scientifiques et éducatives. Et nos jeunes « early career member » après chaque symposium, animaient des sessions de discussion en ligne, très dynamiques, qui permettaient de discuter avec les conférenciers.

L’an prochain, notre volonté est de pouvoir organiser un congrès en présentiel début septembre à Barcelone, dans des conditions de sécurité rigoureuses.

Quels sont les engagements de l’ERS à l’international pour la santé respiratoire ?

La pandémie de Covid contre laquelle nous nous sommes battus a bien mis en avant l’importance de la santé respiratoire. Or, force est de constater qu’actuellement, l’attention des pouvoirs publics pour les maladies respiratoires chroniques reste insuffisante. C’est ainsi que nous venons de mettre en place une coalition internationale pour la santé respiratoire, qui va regrouper, dans un premier temps, des sociétés savantes nationales européennes, des professionnels de santé, et des industriels, pour établir un plan d’actions à l’échelle européenne.

Par ailleurs je souhaite, pendant ma présidence, favoriser les échanges entre l’ERS et le réseau européen de référence ERN-Lung, afin de soutenir un programme pour une meilleure prise en charge des maladies respiratoires rares à l’échelle européenne, en lien étroit avec les professionnels de santé, les patients et leurs aidants.

Pouvez-vous nous livrer vos coups de cœur du congrès ?

Difficile tant les sujets étaient riches et variés ! Dans le cadre de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), les résultats préliminaires de l’extension de l’étude de phase II Pulsar ont été présentés (1). Ils renforcent les données encourageantes du sotatercept, première biothérapie visant à rétablir la fonction de la famille du TGF-β (2), avec une amélioration persistante de la distance de marche, de la dyspnée et du taux de NT-proBNP, biomarqueur d’insuffisance cardiaque droite.

Dans l’asthme sévère, de nouvelles données de l’étude Navigator confirment l’intérêt du tezepelumab, anticorps monoclonal bloquant la lymphopoïétine stromale thymique, une cytokine dérivée des cellules épithéliales, impliquée très en amont dans la pathogenèse de l’asthme (lire p. 32). Cette biothérapie diminue le taux d’exacerbations et permet une épargne cortisonique.

Une autre étude dans l’asthme sévère à éosinophiles, Ponente, a montré que les patients asthmatiques dépendants de la corticothérapie orale traités par benralizumab et présentant une insuffisance surrénale partielle, voire complète, peuvent retrouver une fonction surrénalienne normale pendant et après l’arrêt ou la réduction de dose de la corticothérapie orale (3).

Enfin, une étude réalisée au Royaume-Uni avait pour objectif d’élucider le rôle potentiel de réadaptation à l’entraînement des muscles inspiratoires chez des patients souffrant d’un essoufflement persistant après Covid. L’entraînement des muscles inspiratoires a réduit l’essoufflement et amélioré la pression inspiratoire maximale, l’indice de fatigue et la condition physique. Cet outil de réadaptation à domicile mériterait d’être évalué de façon plus large (4).

Exergue : Nous devons sensibiliser les pouvoirs publics et toute la société à l’importance de la santé respiratoire

 

(1) Badesh D et al. ERS 2021, ID 140

(2) M. Humbert et al. Nejm 2021;384:1204-15

(3) Gurnell M et al. ERS 2021, PA3723-LB

(4) McNarry M. et al. ERS 2021, OA 169 LB

 

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin