Polyarthrite rhumatoïde

La complexité des marqueurs

Publié le 22/04/2011
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Crédit photo : BSIP

LA POLYARTHRITE rhumatoïde (PR), maladie inflammatoire qui touche les articulations périphériques et aboutit à la destruction de leur structure, est une affection très hétérogène, avec des formes sévères et à l’opposé des formes « bénignes ». Le recours à des marqueurs est utile à plusieurs niveaux pour fixer le diagnostic, le pronostic et la réponse aux traitements. En effet, face à une forme débutante, se pose la question de la « certitude diagnostique », puis celle de la vision pronostique : est-il possible, face à une forme précoce, de prévoir l’évolution, en particulier le risque de destruction. Ensuite, se pose la question du choix traitement et de l’évaluation du bénéfice risque en terme d’efficacité et de tolérance, en effet le recours aux biothérapies sous-tend des notions de surcoût et de surrisque.

Aujourd’hui, le biomarqueur de la PR le plus utile en routine est représenté par le groupe des auto-anticorps anti-citrullines ou anti-CCP. Ces anticorps sont d’une grande spécificité, mais ils sont peu sensibles. Ceci veut dire que certains patients atteints de PR n’ont pas d’anticorps anti-CCP. Le deuxième grand groupe de marqueurs bien validés est de nature génétique. Certains sous-types des groupes HLA DR1 et DR4 ont une structure très similaire définissant la notion d’épitope partagé. Il s’agit d’un marqueur lié surtout au pronostic. Ainsi les patients souffrant de PR auront un risque de maladie destructrice plus élevé s’ils ont hérité de l’épitope partagé, surtout s’ils sont homozygotes pour ce marqueur. Ce test n’est cependant n’est pas en place en routine.

Autre groupe de marqueurs : ceux du remodelage osseux. Au cours de la PR, la destruction de l’os est augmentée, traduisant surtout un déséquilibre entre la destruction et la formation osseuse. En effet, à perte osseuse identique, une forme de PR sans formation osseuse compensatrice, c’est-à-dire sans réparation, aboutira à une destruction osseuse plus importante, alors qu’une PR avec maintien du couplage destruction/formation et un meilleur mécanisme de réparation sera in fine moins destructrice.

Tolérance et sécurité.

« Dans le domaine des marqueurs liés au traitement, la littérature est un peu biaisée car il n’est fait référence qu’aux marqueurs de réponse, alors qu’en fait trois types de marqueurs devraient être pris en compte. En premier lieu les marqueurs de tolérance ou de sécurité ; il est essentiel d’identifier la prise de risque, et ces marqueurs devraient être plus prioritaires, estime le Pr Miossec. Ensuite, les marqueurs de non réponse, très importants puisque prescrire un médicament, c’est exposer le patient à un double risque, d’échec et d’intolérance, sans compter l’impact économique. Enfin, apparaissent seulement les marqueurs de réponse au sens habituel du terme ». Il faut également souligner que la notion de marqueurs engendre la question du mécanisme physiopathologique. Et un marqueur peut alors devenir une cible thérapeutique, s’il est impliqué dans le mécanisme de la maladie. « Ce qui amène à la notion de marqueurs " pluriels " », poursuit le Pr Miossec.

Une nécessaire régulation.

« En se plaçant cette fois dans une vision plus politique, celle de la réglementation, la situation des biomarqueurs est superposable à celle des médicaments ». En effet, le " circuit " d’un marqueur -identification, validation, enregistrement auprès des organismes officiels- est à l’image, à quelques petites nuances près, de l’enregistrement d’un médicament ». Ceci souligne l’obligation d’interactions entre les différents protagonistes, qui peuvent être schématisées par un triangle (voir schéma). La base étant l’accès aux malades et la constitution des biocollections ; le deuxième côté le diagnostic, les biomarqueurs, la pharmacogénomique… Et le dernier côté la vision thérapeutique, avec pour chaque aspect une interaction académie-industrie. Et au centre de ce triangle se trouvent les régulateurs, qui contribuent, au sein des agences, à appliquer la législation.

Aujourd’hui, le développement du domaine des biomarqueurs implique d’être pro-actif pour contribuer à l’élaboration de la réglementation dans un domaine nouveau. Ainsi pour les biocollections, se posent les questions suivantes : lieu de stockage, financement, contrôle de l’accès ? « Le dernier European Congress on Osteoporosis & Osteoarthritis à Valence a été l’occasion de rapporter les résultats d’une concertation organisée par le groupe GREES. Ce groupe de travail associe experts académiques, industriels des biothérapies et régulateurs européens, avec l’objectif de définir ensemble une vision européenne », conclut le Pr Miossec.

* D’après un entretien avec le Pr Pierre Miossec, unité de recherche immunogénomique et inflammation et service d’immunologie clinique et rhumatologie, CHU de Lyon

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8948