Ostéoporose

Le traitement à long terme est primordial

Publié le 22/04/2011
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PARMI les multiples traitements de l’ostéoporose, l’association calcium + vitamine D est un traitement à part, intermédiaire entre les traitements nutritionnel et pharmacologique. C’est une association dénuée de risques majeurs à long terme et qui a démontré son efficacité principalement sur les fractures non vertébrales à condition d’être prise à une dose suffisante : 1 à 1,2 g par jour pour le calcium et 700 à 800 unités par jour pour la vitamine D. La vitamine D aurait de plus un bénéfice associé sur le système immunitaire, réduisant le risque de certains cancers et d’après une étude de grande taille diminuant la mortalité, toutes causes confondues.

Si cette association n’a pas la même efficacité que les autres traitements de l’ostéoporose et ne les remplace pas, aucun de ces traitements n’a démontré son efficacité en absence de supplémentation vitamino-calcique. En conséquence, quel que soit le traitement retenu, il doit être associé à une supplémentation en calcium + vitamine D. Le problème majeur de ce traitement est l’observance thérapeutique nettement insuffisante. Afin d’améliorer celle-ci, le Pr Reginster conseille d’orienter vers des formulations combinées et conviviales. Il souligne l’importance du dialogue entre médecin et patient.

Parmi les modulateurs des récepteurs sélectifs aux estrogènes, le raloxifène est le seul pour lequel des données d’efficacité à long terme (8 ans) sont maintenant disponibles. Elles confirment ce qui avait été constaté dans les études plus courtes, c’est-à-dire le bénéfice au niveau des fractures vertébrales mais non au niveau des fractures non vertébrales. Ce composé a aussi démontré un bénéfice associé en termes de réduction de cancer du sein.

Pour les bisphosphonates, la situation est moins claire. L’étude FLEX a comparé les résultats obtenus sur des patientes ostéoporotiques traitées pendant 10 ans par alendronate avec ceux obtenus chez des patientes traitées pendant 5 ans par alendronate puis 5 ans par un placebo (1). Après 10 ans d’alendronate, l’incidence de fractures vertébrales cliniques est inférieure à celle observée dans le groupe placebo. En revanche, le risque de fracture non vertébrale ne diffère pas statistiquement entre les 2 groupes. L’alendronate est le seul bisphosphonate pour lequel on dispose des données : de 7 ans pour le risédronate (2) et 5 ans pour le zolédronate (3) et pour l’ibandronate (4). L’innocuité à long terme des bisphosphonates est actuellement source de questionnement. En effet, des observations suggèrent que leur prescription à long terme pourrait aboutir à une diminution du remodelage osseux provoquant des fractures atypiques du col fémoral. « Une sidération fonctionnelle importante des ostéoclastes serait à l’origine de cette altération. Il n’y a pas aujourd’hui de démonstration formelle mais une interrogation persiste », estime le Pr Reginster.

Une nouvelle approche thérapeutique.

Le denosumab est un anticorps monoclonal contre le récepteur RANK et son ligand (médiateur essentiel de la résorption osseuse). Cette propriété permet à ce nouveau médicament de bloquer la résorption par les ostéoclastes de manière importante. Des données montrent que l’effet du dénosumab est maintenu à 7 ans et qu’il ne semble pas avoir d’effets secondaires particuliers. « Cependant, comme pour les bisphosphonates et tous les composés agissant sur la résorption osseuse, la question de la sécurité à long terme reste posée. »

Par ailleurs, indique le Pr Reginster, « nous disposons maintenant de données à 10 ans qui montrent que le ranelate de strontium réduit les fractures vertébrales et non vertébrales après 10 ans. Cette démonstration d’efficacité s’accompagne d’une sécurité d’utilisation pratiquement totale. » Ces résultats proviennent de l’étude programmée en double insu sur 5 ans et prolongée en ouvert sur 10 ans. Les résultats obtenus sur une cohorte de plus de 200 malades traités pendant 10 ans ont été comparés aux résultats obtenus chez des patients qui étaient originalement dans le groupe placebo. Une diminution de 35 % des fractures vertébrales et de 38 % des fractures non vertébrales était ainsi constatée dans le groupe sous strontium. « On note de plus, dans ce groupe, une augmentation linéaire de la densité osseuse pendant 10 ans. Or, c’est le seul médicament pour lequel il a été possible d’établir une corrélation, à long terme, entre augmentation de la masse osseuse et réduction de fractures », remarque le Pr Reginster.

Quel traitement donner ?

Il n’existe pas d’algorithme décisionnel en fonction du profil du patient, ni de gradation en fonction de la sévérité. « Il faut vérifier que le médicament que l’on envisage de prescrire réduit bien les fractures vertébrales et non vertébrales, que cette efficacité antifracturaire a été démontrée chez le type de patient que l’on veut traiter et qu’il n’entraîne pas plus d’effets secondaires sur le long terme qu’il n’apporte de bénéfice. Le ranelate de strontium est le seul médicament qui a démontré son efficacité de la femme ostéopénique de 50 ans à la femme sévèrement ostéoporotique de plus de 80 ans. Beaucoup de médicaments ont été développés uniquement chez la femme ostéoporotique de 65 ans avec un tassement vertébral et un T-Score en dessous de -2.5. Ces résultats ne peuvent être extrapolés à une femme ostéoporotique de 52 ans, à un homme ostéoporotique ou à une femme ostéoporotique avec une fracture du col du fémur de plus de 80 ans ».

*D’après un entretien avec le Pr Jean-Yves Reginster, université de Liège.

(1)Black DM et coll. JAMA 2006 ; 296 : 2927-38.

(2) Mellström DD et coll. Calcif Tissue Int 2004 ; 75 : 462-8.

(3) Devogelaer JP et coll. Osteoporos Int 2007 ; 18 : 1211-8.

(4) Chesnut CH et coll. J Bone Miner Res 2004 ; 19 : 1241-49.

 YVONNE EVRARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 8948