Dans le domaine de la douleur, certaines échelles utilisées aujourd’hui remontent aux années 1970 (l’EVA a été mise au point en 1974), d’autres sont les héritières en version simplifiée d’échelles à items multiples. Selon Dr Isabelle Nègre (responsable du Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur au CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre), « le temps de l’évaluation intuitive et du traitement approximatif de la douleur est révolu ». « Les échelles servent à objectiver le mieux possible une plainte subjective car le malade est seul juge de sa douleur, analyse le Dr Pierre Tajfel, médecin généraliste fondateur et ancien responsable de l’unité d’Évaluation et de traitement de la douleur du CH de Versailles.
Une distinction judicieuse
Si les échelles d’auto-évaluation reposent sur leur formulation, adaptée aux facultés de compréhension du patient, pour les échelles d’hétéro-évaluation, tout réside dans la qualité observationnelle du médecin et du soignant. La sévérité de la douleur est mesurée par des échelles validées d’hétéro-évaluation, étudiant des comportements observables (chez les enfants, les vieillards, les déments, les polyhandicapés, les patients dans le coma). C’est le cas d’échelles observationnelles comme Algoplus et Evandol. L’EVA et, plus couramment, l’échelle numérique (EN), sont utilisées aujourd’hui en auto-évaluation de la douleur. La formulation consiste à demander au patient de donner une note allant de 0 à 10 à sa douleur ressentie. « Le point capital, alerte le Dr Tajfel, lorsqu’on demande au patient d’auto-évaluer sa douleur, c’est la formulation : si l’on se contente de lui dire “quelle est votre douleur entre 0 et 10”, la plupart optent pour un 10. Alors que si c’est présenté ainsi : “10 est la pire des douleurs imaginables, la douleur dont l’intensité est si vive que l’on perd connaissance, comme celle de la torture ”, ça parle plus concrètement aux patients qui intègrent l’échelle psychométrique dans leur raisonnement ». Le second point à prendre en considération est la nécessité d’évaluer la douleur à des moments différents de la journée, lors de l’activité, lors de la mobilisation passive pendant les soins voire lors d’un geste douloureux invasif ou non.
Mais décrire la douleur uniquement en termes d’intensité reste insuffisant. C’est pourquoi certaines échelles d’auto-évaluation sont aussi « multidimensionnelles » avec des adjectifs qualificatifs sensori-discriminatifs, affectifs, neuro-végétatifs, et cognitifs et émotionnels, par exemple dans le Questionnaire Douleur de Saint-Antoine (QDSA) ou DN4.
La prescription d’antalgiques ne peut pas non plus se fonder uniquement sur les échelles unidimensionnelles (EVA, EN ou EVS) – c’est-à-dire mesurant la douleur comme une sensation unidimensionnelle et ne tenant pas compte de ses composantes affective ou émotionnelle – même si elles demeurent fondamentales pour quantifier la douleur aiguë. Dans la douleur chronique, l’évaluation multi-modale est incontournable car elle donne aussi une orientation sur le mécanisme possible de l’origine de la douleur et son retentissement psychologique et social.
Article précédent
Audit-C, repérer le mésusage
Article suivant
Fagerström : accro à la clope ?
GINA 2014 contre la malobservance
SCORE, au cœur du risque
L’intérêt du « Méningitest® »à l’hôpital
Audit-C, repérer le mésusage
Auto- et hétéro-évaluation, deux points de vue sur la douleur
Fagerström : accro à la clope ?
DN4 : quatre questions pour une douleur
HAD : mesurer l’anxiété et la dépression en moins de 6 minutes
Hamilton : une échelle à deux facettes
La GEA, une échelle pour traiter l’acné
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation