Recommandations vaccinales

Faire face aux réticences des patients

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Publié le 28/04/2016
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Vaccins

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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

En France, des controverses réinterrogent périodiquement sur la nécessité de la vaccination. Ce climat de défiance a commencé dans les années 1994-1998, avec l’apparition de cas de sclérose en plaques au décours de la campagne de vaccination contre l’hépatite B. Puis, plus récemment, il y a eu l’affaire du Médiator qui a contribué à créer le doute sur la sécurité des médicaments et les autorités de santé, sans parler de la campagne de vaccination grippale pandémique H1N1 en 2009, très mal perçue, et des polémiques sur l’innocuité des vaccins avec adjuvants.

Les minorités actives d’opposants sont très présentes sur les réseaux sociaux et déstabilisent la majorité silencieuse. À cela s’ajoute un manque de lisibilité du calendrier vaccinal avec la coexistence de vaccins recommandés et obligatoires.
L’obligation vaccinale est en contradiction avec la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Autre paradoxe, dans des vaccins combinés, se trouvent associés des valences obligatoires/non obligatoires…

Les médecins généralistes ont parfois des difficultés pour appliquer le calendrier vaccinal de plus en plus complexe avec un nombre croissant de vaccins et la perte des repères mnésiques habituels. Heureusement, depuis 2013, il y a une simplification du calendrier : primo-vaccination allégée (2 doses), rappels chez l’adulte à âge fixe (25, 45, 65, 75, 85). Mais il existe aussi trop souvent des ruptures d’approvisionnement de certains vaccins (tétravalent et pentavalent).

Un conseil en confiance

Une enquête réalisée par la DREES en partenariat avec l’INPES en 2015 (1) a montré que 97 % des médecins interrogés étaient favorables à la vaccination en général. La grande majorité fait confiance aux sources officielles, mais un quart des médecins interrogés émet des doutes à l’égard des risques et de l’utilité de certains vaccins et 43 % des médecins ne sont pas en confiance pour informer les patients sur certains vaccins, en particulier ceux avec des adjuvants. Il apparaît également que les médecins les plus favorables à la vaccination sont les plus jeunes, majoritairement des hommes et ceux ayant eu accès à une FMC au cours des 12 derniers mois.

Plusieurs études ont mis en évidence le rôle déterminant des médecins généralistes concernant l’acceptabilité de la vaccination de leurs patients. Et des doutes sur la vaccination sont associés à des comportements de recommandations moins réguliers.
Les médecins généralistes ont besoin d’informations régulières et simplifiées pour être confiants en leur aptitude à faire face à l’hésitation vaccinale.

La consultation courante est une opportunité de proposition de vaccination. Il faudrait pouvoir vérifier systématiquement le statut vaccinal et si le temps d’information n’est pas toujours suffisant programmer une consultation spécifique. Proposer une vaccination nécessite d’avoir confiance en soi et en ses aptitudes à faire face aux réticences voire aux refus, d’avoir compris les enjeux de santé publique pour chaque maladie à prévention vaccinale et de savoir communiquer dans une « approche centrée sur le patient ».

Face aux réticences des patients, il ne faut pas perdre trop de temps à corriger la désinformation, mais manifester de l’empathie et rester ouvert à la discussion. Les techniques de communication qui initient et accompagnent les changements d’attitude sont à privilégier.

Un déficit contrasté

Face à ces comportements, la couverture vaccinale présente un bilan contrasté avec des couvertures vaccinales élevées (objectif de 95 % atteint) pour diphtérie, tétanos, coqueluche, polio, Haemophilus influenzae b chez le jeune enfant (98 % pour la primo-vaccination), pneumocoque (94 %) pour la première dose en 2014 et des couvertures vaccinales insuffisantes, mais en progression : hépatite B nourrisson (92 % pour la première dose en 2014), ROR deuxième dose (75 %), méningocoque C (64 % à 2 ans, décroissante au-delà). D’autres sont insuffisantes et stables : ROR première dose (90 %), rappel coqueluche à l’adolescence (70 %), hépatite B adolescents (50 %), rappels DTP chez l’adulte (50 %). Enfin, les couvertures vaccinales HPV et grippe sont insuffisantes et en diminution : HPV (< 20 %) et grippe chez les personnes âgées (< 50 %).

Une morbimortalité évitable

Il en résulte des cas de maladies et des décès qui auraient dû être évités par un meilleur suivi de la vaccination. Ainsi, il y a encore 15 cas et 4 décès dus au tétanos chaque année.

De même pour la rougeole il y a eu, entre 2008 et 2014, 31 encéphalites et 10 décès et, pour la rubéole, 20 infections congénitales dont 6 rubéoles malformatives. En ce qui concerne la coqueluche, on observe des cas résiduels, avec 1 décès tous les 2 ans en moyenne chez des enfants au-delà de 2 mois et 1 à 2 décès par an chez des nourrissons avant l’âge de 2 mois par défaut de vaccination de l’entourage. Chaque année, on déplore plusieurs événements dramatiques chez des adultes jeunes (2 à 3 hépatites B fulminantes). Quant à la grippe, la mortalité est importante (350 par an) chez des sujets fragiles.

D’après les communications du Dr Henri Partouche (Saint-Ouen) et du Dr Daniel Levy-Bruhl (Saint-Maurice) lors de la séance plénière « Les médecins généralistes et la vaccination »
(1) Collange F et al.

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin: 9492