LA FRANCE compte 12 millions de fumeurs réguliers et le tabac est responsable chaque année de 70 000 décès. Parmi les maladies liées au tabagisme, trois sont en cause dans plus de la moitié de ces décès : le cancer du poumon, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les maladies cardio-vasculaires, dont respectivement 90, 60 et 13 % des décès sont liés au tabac. Toutes trois sont prises en charge à 100 % par l’Assurance-maladie au titre des affections de longue durée (ALD) et représentent 3,4 % des dépenses annuelles de celle-ci. Le surcoût est ainsi de 2,34 milliards pour les maladies cardio-vasculaires, 1,2 milliard pour la BPCO et 900 millions pour le cancer du poumon.
Depuis 2007, les fumeurs qui décident d’arrêter bénéficient d’un forfait annuel de seulement 50 € pour l’achat de substituts nicotiniques. Quel serait l’impact en termes de dépenses de santé d’une couverture totale de la prise en charge médicale du sevrage tabagique ? Pour le déterminer, les chercheurs de l’URC Eco d’Ile de France ont analysé le rapport coût/efficacité de chaque stratégie en prenant en compte, d’une part, les coûts évités par la diminution de fréquence de chacune des trois maladies, et d’autre part, l’impact budgétaire de cette action de prévention.
Ils ont utilisé un modèle probabiliste, le modèle de Markov, appliqué à une cohorte fictive de 1 000 fumeurs (plus d’une cigarette par jour) pour comparer la stratégie actuelle de remboursement forfaitaire à celle d’une prise en charge financière complète d’un programme d’arrêt du tabac selon les pratiques actuelles des centres de tabacologie. Les taux de sevrage ont été estimés à partir des résultats d’essais randomisés et des taux d’utilisation des médicaments de sevrage. Les taux de mortalité sont ceux de la littérature.
Plusieurs scenarii ont été envisagés à partir de ces données et des taux escomptés d’adhésion. Selon ces différents scenarii, en prenant en compte un taux de sevrage annuel de 7,04 %, plus de 75 % des valeurs du ratio coût/efficacité sont cost-saving, c’est-à-dire que la stratégie de remboursement à 100 % du sevrage tabagique est une stratégie dominante par rapport au remboursement actuel forfaitaire dans la grande majorité des cas. Les scenarii les plus défavorables donnent des valeurs de ratio coût/efficacité très coût efficaces, car toujours inférieurs à 2 000 € par année de vie gagnée. En moyenne, la prise en charge intégrale du sevrage tabagique permettrait une économie pour l’Assurance-maladie d’un milliard d’euros sur la vie entière.
Les chercheurs de l’URC Eco d’Ile de France ont exposé leurs résultats à la Direction Générale de la Santé qui les a accueillis très favorablement. Ils devraient les présenter prochainement à l’Assurance-maladie.
Entretien avec Benjamin Cadier (Unité de recherche clinique en Économie de la santé (URC Eco) d’Ile de France)
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