L’HISTOIRE de la varénicline (Champix) est forte en rebondissements. Après un pic de vente initial lors de sa commercialisation en février 2007, une forte diminution des ventes est observée début 2008, après une modification du RCP et de la notice concernant la survenue de troubles de l’humeur, d’idées suicidaires et de tentatives de suicide. En juillet 2008, l’Afssaps mettait en garde sur le risque de dépression et de conduites suicidaires chez des patients en cours de sevrage tabagique. Des plaintes étaient enregistrées en 2011 aux États-Unis par des patients ayant présenté des manifestations suicidaires sous varénicline et, en mai 2011 en France, le ministère de la santé décidait de la sortie de Champix du forfait 50 euros, appliqué aux substituts nicotiniques.
Le 31 mai 2012, 442 effets indésirables (EI) graves ont été signalés en France dans le cadre du suivi de pharmacovigilance, dont 25 décès, parmi lesquels 14 suicides et 11 d’origine cardio-vasculaire. Les effets psychiatriques (idées suicidaires, tentatives de suicide et autres effets graves) représentaient 57 % des EI graves et concernaient, pour 29 % des cas des patients sans antécédent psychiatrique et pour 32 % des cas des patients ayant un terrain psychiatrique ou favorisant connu. Parmi les 5 435 EI non graves signalés durant la même période, 25 % étaient des effets psychiatriques, parmi lesquels les troubles de l’humeur et du sommeil prédominaient.
Terrain particulier.
Reste que l’imputabilité de ce médicament est difficile à établir. « On est ici sur un terrain bien particulier de gros fumeurs, souligne le Dr Bénédicte Lebrun-Vignes. On sait que le risque suicidaire est multiplié par deux dans cette population par rapport à la population générale. » En outre, les effets indésirables rapportés dans le cadre de la notification spontanée reposent sur des observations souvent limitées dans leur description et/ou peu documentées. Remarquons que la notification des effets indésirables était influencée par les événements médiatiques, en particulier lors de l’effervescence créée autour du médicament début 2008…
Dans le cadre du suivi national, une analyse de type attendu/observé a été réalisée, dans le but de comparer le nombre des tentatives de suicide et de suicides observé en pharmacovigilance par rapport au nombre attendu dans une population de même taille à partir des données épidémiologiques disponibles.
« L’analyse de cette étude, note le Dr Lebrun-Vignes, ne permet pas de mettre en évidence un excès de risque de suicides ou de tentatives de suicide attribuable au Champix par rapport à celui existant dans la population générale en France. Cependant, ce type d’analyse a ses limites ». En effet, il existe, d’une part, une sous notification générale des EI, et d’autre part, une sous-estimation d’environ 20 % des suicides en France. En outre, le nombre de patients exposés à la varénicline était estimé à partir des chiffres de ventes, ce qui ne reflète pas forcément la population effectivement traitée.
« Les données recueillies ne permettent donc pas de faire la part entre le rôle du sevrage tabagique, celui de la varénicline et celui du terrain dans la survenue des manifestations psychiatriques, en tout cas pas assez pour remettre en question le rapport bénéfices/risques de ce médicament, conclut le Dr Lebrun-Vignes. Certes, dans ce domaine, la littérature est contrastée. Il faut néanmoins mentionner que les études les moins biaisées ne font pas ressortir de risque psychiatrique significatif. À titre d’exemple, les résultats récents d’une étude rétrospective* évaluant les hospitalisations pour pathologie psychiatrique dans une population de plus de 20 000 militaires américains sous varénicline versus nicotine patch n’ont pas montré d’augmentation des hospitalisations dans le groupe varénicline. »
Entretien avec le Dr Bénédicte Lebrun-Vignes (centre de pharmacovigilance d’Ile-de-France, GH La Pitié-Salpêtrière, Paris).
Meyer TE et coll. Neuropsychiatric events in varenicline and nicotine replacement patch users innthe Military Health System. Addiction. 2012 Jul 19.
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