Cancer du pancréas

Que peut-on attendre de la biologie moléculaire ?

Publié le 15/03/2012
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LE CANCER pancréatique représente la cinquième cause de décès par cancer dans les pays occidentaux. Son mauvais pronostic (survie à 5 ans inférieure à 3,5 %) est dû en partie à l’absence de facteurs de risque très spécifiques, interdisant une prévention et un dépistage efficaces, à une invasion tumorale rapide et à un diagnostic tardif. Le seul traitement curatif est la chirurgie, qui ne peut être instituée, à visée curative, que dans 10 à 15 % des cas. Pour les autres patients, seule la chimiothérapie palliative à base de gemcitabine ou le protocole FOLFIRINOX est appliquée en pratique.

Les voies de recherche font donc appel aussi bien au développement de traitements plus efficaces pour ralentir la progression de la maladie qu’à l’identification de marqueurs moléculaires spécifiques et fiables, applicables en clinique pour un diagnostic plus précoce ou pour apprécier le pronostic et/ou la réponse thérapeutique à la chimiothérapie. Dans ce contexte, la biologie moléculaire peut jouer un rôle prépondérant.

Biomarqueurs

Notre équipe allie depuis de nombreuses années la recherche fondamentale et clinique dans le domaine de la pancréatologie, en s’appuyant sur l’étude de l’expression de biomarqueurs moléculaires, caractérisés en fonction de leur potentiel diagnostique positif ou différentiel du cancer du pancréas mais aussi de leur application thérapeutique par thérapie génique*.

À partir de prélèvements cliniques (cytoponctions sous échoendoscopie de masses tissulaires pancréatiques) l’amplification génique (ADN et ARN) nous a permis d’étudier l’expression de l’oncogène KRAS mais aussi d’autres marqueurs moléculaires (S100P, PLAT, PLAU, MSLN, MMP-11, MMP-7) pouvant être utiles au diagnostic différentiel entre cancer et pancréatite chronique, notamment dans sa forme pseudotumorale. Il s’agit d’une situation clinique difficile dans laquelle la décision oscille entre le traitement chirurgical et le suivi. En pratique, l’absence de mutation de l’oncogène KRAS au sein de ces masses est en faveur de la bénignité.

Quant aux microARNs, ce sont des molécules dont les propriétés régulatrices dans la physiologie cellulaire et la carcinogenèse sont de plus en plus connues. Nous étudions depuis peu leur expression et leur fonction en tant que marqueurs diagnostiques pour le cancer du pancréas et nous présentons au congrès une application thérapeutique possible. En effet, l’inhibition au sein de cellules cancéreuses pancréatiques d’un de ces microARN (MIR21), à l’aide de vecteurs d’expression dérivés de VIH-1, nous a permis de démontrer l’effet antitumoral de ce transfert de molécule. Il s’agit là d’un bon exemple de thérapie génique expérimentale.

Savoir ce qu’on est en droit d’attendre de la biologie moléculaire passe aussi par une évaluation clinique : ainsi, notre équipe est en train de mener un essai de thérapie génique de phase I/II chez des patients atteints de cancer du pancréas localement avancés et/ou métastatiques. Cet essai évalue l’effet de l’injection intratumorale de gènes à activité antitumorale et chimiosensibilisante (Essai TherGAP). Notre espoir non dissimulé est que la biologie moléculaire améliore dans le proche futur le pronostic et la prise en charge du cancer du pancréas.

INSERM UMR 1037, centre de recherche en cancérologie de Toulouse et service de gastroentérologie, CHU Toulouse, Rangueil.

* Communication orale et plénière n° 67 et 73.

Par le Pr Louis BUSCAIL et son équipe Pierre CORDELIER, Jérôme TORRISANI, Marlène DUFRESNE, Naima HANOUN, Barbara BOURNET.
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9099