Le microbiote intestinal au cours des MICI

À la recherche des probiotiques

Publié le 15/03/2012
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L’IMPLICATION du microbiote intestinal dans la pathogénie des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) a été récemment mise en évidence. Des études moléculaires, basées sur le séquençage des gènes codants pour les ARN ribosomaux 16S, ont permis de montrer un déséquilibre dans sa composition, appelé dysbiose. Ces anomalies sont : une instabilité du microbiote au cours du temps, la présence d’environ 30 % de bactéries inhabituelles, une restriction de la biodiversité, généralement aux dépens du phylum des Firmicutes, avec un déficit en certaines bactéries, telles que Faecalibacteriumprausnitzii, et enfin une augmentation de la concentration bactérienne muqueuse. Cette dysbiose persiste chez les sujets atteints de MICI en dehors même de périodes inflammatoires. Elle pourrait participer à l’activation chronique et inappropriée du système immunitaire intestinal.

Cela a donc incité à la recherche de probiotiques capables de prévenir ou de traiter ces MICI. Dans la rectocolite hémorragique (RCH), les résultats des études réalisées sont résumés dans le tableau 1. Ils restent hétérogènes et ne permettent pas encore de généraliser les pratiques. Les effets les plus probants ont été obtenus au cours de la pochite, une inflammation du réservoir iléal après coloproctectomie totale. Le probiotique VSLontenant un mélange de plusieurs souches, a prouvé son efficacité dans la prévention de la rechute au cours de plusieurs études (1-5). Au cours de la RCH proprement dite, trois essais testant E. coli (Nissle, 1997) ont montré un effet équivalent à celui de la mesalazine en prévention de la rechute (6-8) Lactobacillus rhamnosus GG n’a pas montré d’efficacité dans le maintien en rémission (9-11).

Quant à la maladie de Crohn, les preuves de l’efficacité des probiotiques restent peu nombreuses et surtout contradictoires (tableau 2). L’essai mené avec le probiotique Escherichia coli (Nissle, 1997) était prometteur mais ces résultats n’ont jamais été confirmés par une étude plus robuste (12). Les données obtenues avec Saccharomyces boulardii sont encourageantes mais restent à confirmer (13,14). Les probiotiques Lactobacillus rhamnosus GG (15,16) et johnsonii LA1 (17) n’ont par contre pas montré leur efficacité.

L’utilisation de probiotiques génétiquement modifiés pour la production de métabolites actifs (18), la délivrance directe de métabolites actifs (métabiotique) ou la restauration d’une « normobiose » sont des approches en cours de développement. Ces stratégies nécessitent de mieux connaître la dysbiose en jeu au cours de ces maladies à leurs différentes phases. Des progrès dans la connaissance de la régulation des populations bactériennes dans l’écosystème digestif via différents facteurs luminaux tels que le dialogue inter-bactérien (quorum sensing), les peptides antimicrobiens, les acides biliaires sont un enjeu majeur.

*. ERL INSERM U1057 / UMR 7203, 75012 Paris et AP-HP, département de gastro-entérologie et nutrition, hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris.

**. PhD. ERL INSERM U1057 / UMR 7203, 75012 Paris.

Liens d’intérêt déclarés par le Dr Seksik en 2012 : partenaires : Abbott, Biocodex, Ferring, MSD

Pour les Dr Quevrain et Rajca : pas de conflit d’intérêt

(1) Gionchetti P et coll. Gastroenterology 2000;119:305-9.

(2) Mimura T et coll. Gut 2004;53:108-14.

(3) Gionchetti P et coll. Gastroenterology 2003;124:1202-9.

(4) Tursi A et coll. Am J Gastroenterol 2010;105:2218-27.

(5) Sood A et coll. Clin Gastroenterol Hepatol 2009;7:1202-9, 9 e1.

(6) Kruis W et coll. Gut 2004;53:1617-23.

(7) Matthes H et coll. BMC Complement Altern Med 2010;10:13.

(8) Rembacken BJ et coll. Lancet 1999;354:635-9.

(9) Zocco MA et coll. Aliment Pharmacol Ther 2006;23:1567-74.

(10) Ishikawa H et coll. Digestion 2011;84:128-33.

(11) Tsuda Y et coll. Scand J Gastroenterol 2007;42:1306-11.

(12) Malchow HA. J Clin Gastroenterol 1997;25:653-8.

(13) Plein K et coll. Gastroenterol 1993;31:129-34.

(14) Guslandi M et coll. Dig Dis Sci 2000;45:1462-4.

(15) Prantera C et coll. Dig Liver Dis 2002;34 Suppl 2:S66-7.

(16) Bousvaros A et coll. Inflamm Bowel Dis 2005;11:833-9.

(17) Marteau Pet coll. Gut 2006;55:842-7.

(18) Braat Het coll. Clin Gastroenterol Hepatol 2006;4:754-9.

PAR LES Dr SYLVIE RAJCA*, PHILIPPE SEKSIK* et ÉLODIE QUEVRAIN**

Source : Le Quotidien du Médecin: 9099