Résultats très remarqués au congrès de l’ESC

Le LCZ696, premier représentant d’une nouvelle classe thérapeutique, bouscule l’insuffisance cardiaque 

Publié le 01/09/2014
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Crédit photo : PHANIE

Dans la course contre l’insuffisance cardiaque, les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) ne galopent pas en tête. Il est en effet recommandé de ne les prescrire qu’aux patients qui réagissent mal aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), plus efficaces.

Les impressionnants résultats de l’étude PARADIGM-HF, présentés dimanche en hotline lors du congrès de la société européenne de cardiologie, à Barcelone, viennent de leur accorder une sorte de revanche.

Selon les chiffres de cette étude menée par John McMurray, de l’université de Glasgow, le LCZ696 (Novartis) qui combine un ARA II le valsartan, et le sacubitril, un inhibiteur de la neprilysine (une enzyme métalloprotéase dépendante du zinc), donne de meilleurs résultats que l’énalapril, un IEC indiqué en première intension dans l’insuffisance cardiaque. « On a l’impression qu’il s’agit simplement de deux médicaments rassemblés dans un seul, mais il s’agit véritablement d’une nouvelle classe médicamenteuse qui sera considérée comme telle par les agences de régulation » explique le Pr Yves Juillière, de l’Institut Lorrain du Cœur et des Vaisseaux à Nancy. Pour le président de la Société Française de Cardiologie, les résultats de l’étude PARADIGM-HF sont à marquer d’une pierre blanche : « Ils auront un impact plus important que tout ce qui a pu sortir ces 15 dernières années. C’est la première fois depuis longtemps que l’on parvient à faire mieux que la primothérapie standard, » insiste-t-il, notant également que « même les données sur la mortalité globale vont dans le bon sens. D’habitude, on cible des critères principaux plus atteignables que la mortalité toutes cause qui est devenue très diffficile à améliorer suite aux progrès thérapeutiques de ces 30 dernières années. »

Un risque de mortalité toutes causes diminué de 16 %

Dans l’essai PARADIGM-HF, le taux de mortalité était en effet de 17 % chez les patients sous LCZ696 contre 19,8 % dans le groupe énalapril, après un suivi médian de 27 mois, soit une baisse statistiquement significative de 16 % du risque global de décès. Le critère primaire d’évaluation était quant à lui un résultat composite de décès cardiovasculaires et d’hospitalisations. Au bout de deux ans et demi, 21,8 % des patients du groupe LCZ696 et 26,5 % du groupe énalapril avaient atteint ce critère, soit une diminution de 20 % du risque de complications graves dans le groupe LCZ696. Au final, 13,3 % des patients sous LCZ696 sont décédés de cause cardiovasculaire contre 16,5 % des patients sous énalapril. Le LCZ696 était également associé à une amélioration significative du score de qualité de vie des patients. Des résultats éloquents donc, mais pas totalement inattendus : en mai dernier, les auteurs de l’étude PARADIGM-HF avaient commencé à faire monter le suspens en annonçant que les résultats préliminaires étaient suffisamment bons pour justifier l’arret précoce de l’essai.

La double action vasodilatatrice

Selon le Pr Yves Juillière, « les IEC sont plus efficaces que les ARA II, car ils ne se contentent pas de bloquer le cycle rénine-angiotensine, ils enrayent également la dégradation de la bradykinine qui est un puissant vasodilatateur. Avec ce nouveau traitement, on cumule l’effet vasodilatateur d’un ARA II et celui du sacubitril qui est aussi un inhibiteur de l’endopeptidase. »

Concernant le protocole, les 8 442 patients retenus dans PARADIGM-HF avaient une insuffisance cardiaque de Classe II ou plus, selon la classification de la New York Heart Association. Cela signifie qu’ils souffraient au minimum d’une limitation modeste de l’activité physique, avec une fraction d’éjection de moins de 40 %. Les patients du bras LCZ696 recevaient 200 mg de LCZ696 en prise orale deux fois par jour, tandis que les patients du groupe contrôle recevaient deux prises quotidiennes de 10 mg d’énalapril. Les auteurs ont observé que beaucoup de patients ont dû quitter l’étude, mais les retraits pour cause d’événements indésirables étaient significativement plus fréquents dans le groupe sous énalapril que dans celui sous LCZ696 : 12,3 % contre 10,7 %.

Des données de sécurité parcellaires

En lisant les résultats, le Pr Yves Juillière reste prudent, estimant qu’il « faudrait en savoir un peu plus sur le profil de sécurité qui n’est que peu détaillé. On aimerait avoir plus d’informations sur la part, apparemment importante, de patients qui ont fait un angio-œdème. Il manque également des précisions sur les pays d’origine des patients recrutés : s’il y a beaucoup de patients d’Europe de l’Est, et c’est très probable, cela peut introduire des biais, compte tenu de la politique de recrutement dans ces pays. »

Plus de patients hypotendus

Pour leur part, les auteurs précisent qu’au bout de huit mois, la pression artérielle systolique était en moyenne 3,2 mm Hg plus faible dans le groupe sous LCZ696 que dans le groupe énalapril. Ils estiment néanmoins que cela ne remet pas en cause l’efficacité du traitement, d’autant plus que, dans un même temps, les patients sous LCZ696 souffraient moins fréquemment d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale. Un avis partagé par le Pr Yves Juillière : « Si je propose à un insuffisant cardiaque de diminuer fortement son risque de mortalité en échange d’une baisse de la pression systolique de 3,2 points, je sais ce qu’il va me répondre », sourit-il.

John McMurray et al, Angiotensin-Neprilysin Inhibition versus Enalapril in Heart Failure, The New England Journal of Medicine, publication en ligne du 30 août 2014

Le Pr Yves Juillière tient à préciser qu’il a un conflit d’intérêt avec la société Novartis pour laquelle il s’est occupé de la partie française de l’étude ATMOSPHERE sur l’inhibiteur de la rénine aliskiren.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9344