Actuellement, dans les essais cliniques randomisés en double aveugle contre placébo portant sur plus de 40 000 patientes, sur un large échantillon de jeunes femmes de 15 à 25 ans, non exposées aux virus du vaccin (16 et 18 pour le vaccin bivalent ; 6-11 et 16-18 pour le vaccin quadrivalent) l’efficacité est proche de 100 % vis-à-vis des lésions précancéreuses associées aux types viraux du vaccin et à environ 60 %, voire plus si on prend en compte la protection croisée, pour l’ensemble des lésions précancéreuses (4,5). Les données d’impact en population après une expérience de presque 10 ans indiquent une chute de + de 50 % de la prévalence de l’infection à HPV dans la population cible vaccinée, une nette régression des précancers chez les jeunes femmes et une diminution de + de 70 % des condylomes acuminés chez les jeunes filles et garçons non vaccinés (immunité de groupe) [6,7,8]. Tous ces indicateurs précoces témoignent d’une efficacité vaccinale en vie réelle incontestable susceptible de se projeter sur le long terme pour l’impact attendu sur le cancer.
Une abondante littérature portant sur l’efficacité et le profil de sécurité de la vaccination HPV, souvent mis en cause par les mouvements antivaccinaux, est disponible dans les revues scientifiques internationales les plus prestigieuses. Moins d’1 cas sur 10 000 événements indésirables graves sont observés chez les personnes vaccinées et dont le lien causal n’est pas démontré. Aucun signal n’indique un surrisque de ces événements indésirables graves en relation avec les vaccins. Les polémiques sur ces questions, largement relayées par les médias, n’ont pas manqué de susciter la défiance du public qui se traduit en particulier en France par une diminution de la couverture vaccinale (9,10,11,12).
Les vaccins multivalents
Parce que les vaccins actuels ne protègent pas contre tous les HPV génitaux, que le dépistage doit se poursuivre sans relâche pour ces jeunes femmes vaccinées, l’arrivée des vaccins à 9 valences (6-11-16-18-45-31-33-52-58) sont susceptibles de protéger à 90 % des cancers du col ; 85 % des CIN de haut grade et 60 % des CIN1 quand le vaccin quadrivalent protège à 70 % les cancers, 50 % les CIN HG et 30 % les CIN1 (13). Les données d’efficacité, d’immunogénicité et profil de sécurité à plus de 3/4 ans confirment la supériorité et la haute performance de cette nouvelle génération de vaccin prophylactique (14). Avec une protection presque absolue des cancers du col et des précancers, une nette diminution des anomalies cytologiques non à risque qui polluent le dépistage (ASCUS/LSIL, CIN1) et une immunité de groupe plus large, on peut s’interroger sur l’utilité du dépistage et la forme qu’il prendra dans cette population hyperprotégée ; un ou deux tests HPV durant la vie d’une femme à 35 et 55 ans pourraient suffire. Les modélisations indiquent des économies de santé importantes.
Des incertitudes et des questionnements limitent à ce jour un emballement logique. Gardons à l’esprit qu’il faudra encore 10 à 15 ans pour mesurer l’impact de ces vaccins dans la vraie vie, s’assurer qu’il n’y a pas, du fait de l’adjonction de nouvelles valences, une perte d’efficacité dans le temps sur les virus les plus actifs en particulier le 16, dominant pour le cancer du col, et presque exclusivement dominant au niveau du cancer anal et de l’oropharynx.
Paris
(1) Paavonen J, et al. Lehtine Efficacy of human papillomavirus (HPV)-16/18 AS04-adjuvanted vaccine against cervical infection and precancer caused by oncogenic HPV types (PATRICIA): final analysis of a double-blind, randomised study in young women.n M, Dubin G; HPV PATRICIA Study Group. Lancet 2009 Jul 25;374(9686):301-14. doi: 10.1016/S0140-6736(09)61248-4
(2) FUTURE II Study Group. Quadrivalent vaccine against human papillomavirus to prevent high- grade cervical lesions. NEJM 2007 May 10;356(19):1915-27
(3) Brotherton JM, et al. Early effect of the HPV vaccination programme on cervical abnormalities in Victoria, Australia: an ecological study. Lancet 2011 Jun 18;377(9783):2085-92. doi: 10.1016/S0140-6736(11)60551-5
(4) Tabrizi SN, et al. Fall in human papillomavirus prevalence following a national vaccination program.
J Infect Dis. 2012 Dec 1;206(11):1645-51. doi: 10.1093/infdis/jis590. Epub 2012 Oct 19
(4) Nicolai LM, et al. Declining rates of high grade cervical lesions in young womenin Connecticut, 2008-2011.Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2013,22:1446-50
(5) Arnheim-Dahlström L. et al. Autoimmune, neurological and venous thromboembolic adverse events after immunisation of adolescent girls with quadrivalent human papillomavirus vaccine in Denmark and Sweden : cohort study. BMJ 2013 Oct 9;347
(6) Pellegrino P, et al. No evidence of a link between multiple sclerosis and the vaccine against the human papillomavirus. Eur J Epidemiol 2013 Aug 28;28(8):705-7
(7) ANSM_SNIIRAM Afssaps Etude de cohorte réalisée par l’Afssaps sur les données du SNIIRAM. Résultats intermédiaires au 10 novembre 2011. Afssaps novembre 2011
(8) Grimaldi-Bensouda L, et al. PGRx-AID Study Group
(9) Joura KA et al. Attribution of 12 High-Risk Human Papillomavirus Genotypes to Infection and Cervical Disease. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2014:1-12
(10) Joura EA et al. EUROGIN 2015 Abstract Book (www.eurogin.com)
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