« FACE À une dyspnée aiguë, la première étape vise à rechercher des signes de menace du pronostic vital : impossibilité de parler, troubles de la conscience, pauses respiratoires, état de choc sont autant de signes nécessitant des mesures de réanimation immédiates et qui doivent conduire à un appel au 15 », rappelle le Dr Sergio Salmeron.
Lorsque toute menace immédiate est écartée, il importe de ne pas « aller trop vite », mais de bien interroger et examiner le patient afin de reconnaître la cause de la dyspnée et apprécier sa gravité.
Dans la majorité des cas, la dyspnée s’accompagne de bruits anormaux.
• Cornage
La dyspnée laryngée, inspiratoire bruyante (cornage) est volontiers impressionnante et de reconnaissance assez facile ; le patient est « guindé », penché en avant. Les causes sont diverses, du cancer laryngé à la tumeur trachéale en passant par l’oedème de la glotte et le corps étranger, qui, rappelons-le, peut concerner des patients de tout âge.
• Wheezing ou sibilants.
La dyspnée expiratoire accompagnée d’un wheezing (sifflements perceptibles à l’oreille) et/ou de râles bronchiques sibilants à l’auscultation est la situation la plus fréquente et qui recouvre trois grands diagnostics.
a) Tout d’abord l’asthme paroxystique, le plus souvent une exacerbation d’un asthme chronique. « Il peut survenir quels que soient le type, la sévérité et la stabilité de l’asthme, c’est le propre de cette maladie et aucun patient n’est jamais comlètement protégé en cas d’irritation importante des bronches, qu’elle soit aspécifique (produits ménagers, poussières..) ou spécifique (allergènes) », insiste le Dr Salmeron. Le tableau clinique est souvent très typique : bradypnée inspiratoire (expiration prolongée en pinçant les lèvres) et fréquence respiratoire basse. L’auscultation retrouve des sibilants dans les deux champs. Toutefois, et c’est un signe de gravité, le murmure vésiculaire peut être diminué, voire aboli. Le diagnostic peut être plus difficile chez un patient dont l’asthme n’est pas connu et que l’on voit en urgence à domicile.
b) Le deuxième diagnostic est l’exacerbation d’une BPCO, qui relève du même mécanisme d’obstruction bronchique que dans l’asthme, mais où la dyspnée aiguë est volontiers de survenue moins brutale, plus lentement progressive. Le patient est souvent plus âgé que l’asthmatique, mais pas toujours car un asthme peut tout à fait se déclarer après l’âge de 65 ans. Il s’agit le plus souvent d’un fumeur connu, qui a déjà plus ou moins fait une poussée de BPCO, mais là encore pas toujours. L’auscultation retrouve plutôt des râles bronchiques. Des signes de gravité doivent être recherchés : cyanose, silence auscultatoire, signes hémodynamiques (tachycardie› 120 battements/minute, état de choc, troubles de la conscience ou agressivité..).
Il existe un chevauchement clinique entre asthme et exacerbation de BPCO, et il est parfois difficile de faire le diagnostic différentiel, d’où l’importance de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Une distension thoracique est en faveur d’une BPCO, tout comme le signe de Hoover, qui est le pincement paradoxal de la base des côtes à l’inspiration rencontrée dans les BPCO évoluées. Par contre, le fait de fumer n’est pas forcément un élément déterminant : la majorité (95%) des exacerbations de BPCO surviennent chez des fumeurs, mais on retrouve un tiers de fumeurs chez les asthmatiques. La notion d’une augmentation de la consommation de bronchodilalateurs dans les jours précédents ou d’une exposition à un irritant est en faveur d’un asthme aigu. Le recours au peak-flow est dans ce cadre très utile, puisqu’il permet d’orienter le diagnostic vers un asthme et d’un préciser la gravité.
c) Enfin, un troisième diagnostic possible en cas de dyspnée aiguë avec sibilants est l’œdème pulmonaire cardiogénique, qui peut tout à fait se traduire par des sibilants du fait de l’inondation des péribronches. Ceci constitue un vrai piège diagnostique.
• Crépitants.
Une autre situation est la dyspnée aiguë accompagnée de râles crépitants typiques, un peu humides.
- Il s’agit alors le plus souvent d’un œdème aigu pulmonaire, survenant chez un patient cardiaque connu, dans un contexte d’apyréxie. L’interrogatoire recherche un facteur déclenchant, tel qu’une rupture dans le régime pauvre en sel, assez classique au moment des fêtes de fin d’année.
- La cause peut également être une pneumopathie infectieuse aiguë. Le patient est fébrile, fatigué ; l’auscultation met en évidence un foyer de crépitants plus localisé, parfois bilatéraux, plus secs que dans l’OAP.
- Une cause assez rare est la phase aiguë d’une pneumopathie d’hypersensibilité (poumons de fermier ou maladies des éleveurs d’oiseaux). L’amendement des signes lors de l’hospitalisation est à tort attribuée à l’antibiothérapie, alors qu’il découle de l’arrêt de l’exposition à l’allergène. Le diagnostic est ainsi fait le plus souvent a posteriori.
• Asymétrie auscultatoire.
Une dyspnée aiguë avec asymétrie auscultatoire (diminution localisé du murmure vésiculaire) doit faire évoquer trois diagnostics : un pneumothorax, qui peut être spontané, la dyspnée étant associée à une douleur déchirante ; une pleurésie, mais il s’agit plutôt d’une dyspnée rapidement progressive ; une atélectasie, par exemple en cas de grosse tumeur.
D’après un entretien avec le Dr Sergio Salmeron, chef du service de pneumologie, allergologie, oncologie thoracique, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris.
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