L'éradication est possible !

Le plan cancer du col en médecine générale

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Publié le 30/04/2018
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k col

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Crédit photo : PHANIE

Chaque année en France, 235 000 frottis anormaux sont détectés, révélant 31 000 lésions précancéreuses ou cancéreuses, et 3 000 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus sont diagnostiqués, responsables d’environ 1 100 décès. Or, ce cancer est évitable grâce au dépistage et à la vaccination. Il touche les femmes jeunes : l’âge moyen au moment du diagnostic est de 51 ans, et de 64 ans au décès.

Le frottis cervico-utérin, examen de dépistage de référence, doit être proposé tous les trois ans à toutes les femmes de 25 à 65 ans, et la vaccination anti-HPV aux jeunes filles à partir de l’âge de 11 ans.

Pourtant, de nombreuses inquiétudes subsistent, car le pronostic du cancer du col de l’utérus se dégrade, avec un taux de survie à 5 ans en diminution (62 % à 5 ans en 2005-2010 contre 68 % en 1989-1993). Il existe par ailleurs de grandes disparités dans la pratique du dépistage selon l’âge des femmes et la situation géographique. Le recours au frottis cervico-utérin diminue nettement à partir de 50 ans. Le rythme de dépistage (sur une période de six ans) n’est strictement respecté que par 7,8 % des femmes, 40,6 % pratiquant un surdépistage et 51,6 % un dépistage à un rythme sous-optimal (HAS 2010 d’après les données de l’Assurance-maladie).

Coordination du dépistage

Le plan Cancer 2014-2019 entend réduire l’incidence et le nombre de décès du cancer du col utérin de 30 % à 10 ans et lutter contre les inégalités d’accès et de recours au dépistage en s’appuyant sur un programme national de dépistage organisé. Il entre aujourd’hui dans sa troisième phase (2018-2019), celle du déploiement, en s’appuyant sur les médecins généralistes.

Pour chacune de ses patientes, le médecin traitant coordonne le dépistage. Il effectue la synthèse des informations transmises par les professionnels de santé concernés (dans le respect des obligations déontologiques et légales), incite au dépistage, prescrit un test ou réalise lui-même le prélèvement, et s’assure de la bonne prise en charge en cas de test positif.

Les médecins généralistes sont invités à se rendre sur le site de l’INCa (www.e-cancer.fr) où différents outils sont disponibles : un dossier d’information complet (recommandations pour la pratique clinique sur la conduite à tenir devant une femme présentant une cytologie cervico-utérine anormale, une brochure sur le rôle du généraliste) et des ressources documentaires pour le grand public.

L'exemple australien

L’efficacité des vaccins anti-HPV a été largement démontrée dans des essais cliniques qui ont enrôlé plus de 40 000 femmes. Que ce soit avec le vaccin bivalent ou le quadrivalent, l’efficacité, de 100 % au bout de dix ans, se vérifie dans la « vraie vie » sur les infections à HPV et sur les lésions de haut grade.

En Australie, la proportion de femmes âgées de 18 à 24 ans porteuses d’HPV de génotype 6, 11, 16 ou 18 a ainsi chuté de 23 % à 1,5 % entre 2005 et 2015 grâce à la campagne de vaccination gratuite lancée depuis 2007 auprès des jeunes filles de 12-13 ans et depuis 2013 auprès des garçons dans les collèges. Alors que la couverture vaccinale y atteint maintenant respectivement 80 % et 75 % des filles et des garçons de 15 ans, l'Australie est sur le point d’éradiquer le cancer du col de l’utérus… Tandis qu'en France la couverture vaccinale atteint à peine 20 %, aux derniers rangs des pays européens !

Les raisons de l’hésitation vaccinale en France

Seulement 14 % des jeunes filles françaises de 15 ans ont reçu un schéma vaccinal complet en 2015. Cette baisse significative de la couverture vaccinale a été observée à partir de 2012, probablement due en partie à la publication de plusieurs articles mettant en cause la sécurité d’emploi des vaccins. Pourtant, depuis leur mise sur le marché, ils font l’objet d’une surveillance renforcée par les autorités françaises et internationales. 270 millions de doses ont été administrées depuis 2006, et cette surveillance n’a pas mis en évidence d’éléments remettant en cause leur balance bénéfice-risque.

Les résultats d’une étude réalisée conjointement par l’ANSM et l’Assurance-maladie en 2015 ont confirmé que la vaccination n’entraînait pas d’augmentation du risque global de survenue de maladies auto-immunes. Il existe une possible augmentation du risque de syndrome de Guillain-Barré (SGB) après vaccination, mais ses conséquences sont limitées (de 1 à 2 cas pour 100 000 filles vaccinées). D’autres études récentes ne retrouvent pas de « signal de SGB ». La vaccination est donc efficace, avec un profil de sécurité satisfaisant.

Pourtant, la vaccination fait plus que la prévention secondaire par le dépistage par frottis, car l’HPV peut être responsable de lésions précancéreuses dans d’autres localisations (vagin, vulve, anus, sphère ORL…).

Une charte de qualité pour la colposcopie

Le papillomavirus peut entraîner des petites lésions précancéreuses (de bas grade) qui peuvent régresser toutes seules, mais une infection transformante (nouvelle lésion de haut grade) pourra évoluer vers le cancer. Les frottis régulièrement effectués permettent de dépister ces lésions précancéreuses.

Après un frottis positif, une colposcopie et une biopsie sont indispensables. La mise en évidence d’une lésion de bas grade nécessite seulement une surveillance – trop de conisations seraient encore pratiquées, que seules les lésions de haut grade justifient, suivie d’une surveillance régulière. La conisation augmente en effet le risque d’accouchement prématuré (< 10 mm : RR = 1,54 ; entre 10 et 15 mm : RR = 1,93 ; entre 15 et 20 mm : RR = 2,77 ; > 20 mm : RR = 4,91). Les sociétés savantes en gynécologie ont donc établi une charte de qualité pour la colposcopie qui permet de se prémunir du risque de conisation par excès.

En associant la prévention secondaire pour les 25-65 ans (démarche individuelle) et la prévention primaire pour les 11-14 ans (démarche de santé publique), on pourrait éradiquer le cancer du col utérin.

Communications de Stéphanie Barré (INCa) et des Drs Jean-Luc Prétet (directeur du centre national de référence du papillomavirus), Serge Gilberg (Paris, CMG), Jean Gondry (président de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale) et Stéphane Munck (Le Rouret, CMG).

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin: 9661