Héroïne afghane et VIH, mortel mélange

Publié le 30/11/2011
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LONGTEMPS, le SIDA n’a pas existé en Russie. Officiellement en tout cas. Jusqu’à ce dépistage massif en 2001, qui a révélé d’énormes pics de prévalence, en Sibérie notamment, sur la route qu’emprunte l’héroïne afghane. En 2006, lors du G8 à Saint-Pétersbourg, Poutine change de braquet et multiplie par trente le budget alloué à la lutte contre le VIH. Aujourd’hui, il existe 110 centres SIDA dans le pays, seuls lieux de distribution des antirétroviraux. Un malade sur cinq est sous traitement (gratuit, éventuel dessous-de-table mis à part). Denis Broun a été directeur d’ONUSIDA pour la région Europe et Asie centrale jusqu’en septembre 2011. Il dresse un tableau peu reluisant de la situation : « Certains centres SIDA sont remarquables, mais d’autres sont catastrophiques. Il reste beaucoup à faire en matière de prévention. On ne parle pas du VIH à l’école, et à la télévision, on entend encore parfois que c’est une invention des étrangers ». Des ruptures de stock de médicament ont été signalées l’an passé, contraignant le ministère de la Santé, ciblé par plusieurs plaintes, à débloquer de nouveaux moyens.

Méthadone interdite.

Le nombre de séropositifs pris en charge progresse à nouveau depuis quelques mois. Mais le SIDA continue de tuer 15 000 Russes par an. Les drogués représentent plus de la moitié des gens infectés. La prévention à leur égard est presque inexistante, tout comme les soins. Le plus grand pays au monde ne compte que 4 centres d’addictologie, pour 2 millions de toxicomanes. Face à un État défaillant, des cliniques privées proposent des alternatives qui ne sont pas toujours bien vues. Egor Bytchkov, un partisan du sevrage brutal, a été condamné à trois ans et demi de prison pour traitements inhumains. Aiguillonné par cette affaire qui a fait grand bruit en 2010, le ministère de la Santé prépare des standards nationaux de prise en charge. La nouvelle politique anti drogue durcit les peines pour les trafiquants et étend la liste des narcotiques interdits comme ces mélanges à fumer aux noms étranges : « la feuille de sauge des devins » ou « la graine de rose d’Hawaï ». La méthadone reste interdite en Russie. Elle « n’apporte aucun effet », et le toxicomane « ne peut plus s’en défaire », expliquait Viktor Ivanov, directeur du service fédéral de contrôle des stupéfiants, dans les colonnes de « Rossiyskaya Gazeta » en avril dernier.

Les jeunes commencent à se droguer vers 11-12 ans. L’héroïne afghane, un marché de 20 milliards de dollars par an, ferait entre 30 000 et 126 000 morts par an Russie.

 D. CH.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9050