Strasbourg, Krasnodar : vingt ans de coopération

Publié le 16/11/2011
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LE Pr MASSARD et le Pr Porhanov sont de vieux amis. Lorsqu’ils se rencontrent en 1993, lors d’un symposium à Zurich, le Pr Massard interpelle son confrère en russe. Le courant passe aussitôt. Gilbert Massard enchaîne les missions à Krasnodar au début des années 2000. Le tableau d’alors n’est pas brillant. Pénurie de scopes, respirateurs vétustes, lits rouillés, absence complète de matériel à usage unique… Le Strasbourgeois s’étonne des conditions de travail - « Ils suturaient avec du fil à rôti! » -, en décalage avec la faible mortalité opératoire.

Convaincu que l’hôpital possède un fort potentiel, le Pr Massard monte une association au Luxembourg et organise l’acheminement de matériel. Aiguillonné par cette aide étrangère, le gouverneur local, surfant sur la vague du pétrole, investit à son tour. Le Pr Porhanov, jusque là patron du centre cardiothoracique de Krasnodar, est bombardé médecin-chef de l’hôpital n°1, c’est-à-dire directeur. Les succès s’enchaînent, jusqu’à la première greffe bipulmonaire réalisée fin 2010 par le Pr Porhanov, avec la collaboration du

Pr Massard.

Le PU-PH de Strasbourg apprécie que l’hôpital n°1 soit dirigé « par un médecin qui opère tous les jours ». Tourné vers l’Occident, le Pr Porhanov a fait de l’hygiène sa priorité. « L’extubation est la plus précoce possible, comme chez nous », note le Pr Massard, qui salue la force de travail de ses confrères russes, capables d’effectuer 45 résections majeures en 15 jours – « Au CHU de Strasbourg, on en fait 50 à 60 par an ! ». Deux autres clés expliquent le succès de l’organisation locale : le transfert de tous les comas graves de la région à l’hôpital n°1 (afin de centraliser les donneurs), et la « docilité » des praticiens. « Les responsables ne sont pas tellement gênés par les syndicats », glisse le Pr Massard. Mais la société russe évolue. « Pendant l’ère soviétique, tout le monde était soigné et formé. Ces valeurs sociales perdues il y a vingt ans, les Russes y reviennent petit à petit », note le chirurgien, qui en veut pour preuve la récente revalorisation des retraites (10100 roubles par mois en moyenne fin 2012, 240 euros).

L’hôpital n°1 de Krasnodar reste avant-gardiste, mais pour combien de temps ? « Quand je vois l’évolution sur 15 ans, je suis de plus en plus optimiste, déclare Gilbert Massard. La lutte contre la corruption et les contrefaçons est active. D’autres régions commencent à investir dans la santé. Le centre Almazov à Saint-Pétersbourg s’agrandit, on pourra bientôt en être jaloux ».

D. CH.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9042