Chef de service en obstétrique et professeur au plus haut degré, Andreï Nikonov gagne 20 000 roubles par mois (475 euros). S’il n’était pas propriétaire d’une écurie, jamais il ne pourrait vivre à Moscou, où le mètre carré se vend 3 700 euros en moyenne. « Je suis obligé d’avoir un business en parallèle, expose-t-il. La médecine me rapporte mon argent de poche ! ».
Son cas n’est pas isolé. Alexandre et Dimitri, deux chirurgiens en poste dans un hôpital pédiatrique réputé, ont longtemps eu un autre job pour joindre les deux bouts. Alexandre s’est improvisé dentiste pendant ses études de médecine. Dimitri parle français et italien. Lorsqu’il était interne, il a servi d’interprète aux touristes de passage. Dans les années 1990, les médecins russes travaillaient comme chauffeurs de poids lourds ou manœuvres de chantier. Une époque révolue, mais les revenus restent dérisoires. « Le salaire de base d’un député est 18 fois supérieur au mien, constate Dimitri, pourtant chef de service. Pour gagner ma vie correctement, j’exerce dans plusieurs cliniques privées en parallèle. Je travaille sept jours sur sept. Je ne sais pas si c’est juste ou injuste, c’est comme cela. La verticalité du pouvoir installée par Poutine empêche les mouvements populaires. Nous n’avons pas la force pour faire grève ».
L’hôpital reçoit 3 000 euros pour chaque enfant opéré, une somme qui finance l’intégralité du séjour pendant quinze jours. Avec des protocoles de plus en plus avancés, les salaires sont l’unique marge de manœuvre. Un médecin débute à 5 000 roubles par mois (118 euros), deux fois moins qu’une infirmière. « Je suis content de mon travail, pas de la façon dont l’État nous considère », se désole Alexandre.
Avec son CV, Dimitri pourrait aisément décrocher un poste en France. Il n’y tient pas : « Beaucoup de choses me dérangent en Europe. La liberté personnelle y est limitée ». Alexandre opine du chef. « En Russie, illustre le chirurgien, il n’y a pas de limite pour pêcher ou pique-niquer où bon vous semble. Malgré l’existence de forts problèmes sociaux, nous avons le sentiment d’appartenir à un immense territoire ». « Un Français ne pourra jamais comprendre l’âme slave ! », conclut Dimitri en riant.
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