Alors que plusieurs laboratoires sont sur les rangs pour commercialiser leur vaccin anti-Covid, la Haute Autorité de santé (HAS) affine sa stratégie et définit les personnes à vacciner en priorité en cinq phases selon l'approvisionnement en doses vaccinales. Dans un premier temps, probablement dès le début de l'année 2021, les personnes âgées résidant en hébergement collectif et les personnels à leur contact eux-mêmes considérés comme vulnérables seront prioritaires.
« L'objectif de la priorisation est de diminuer les hospitalisations et les décès tout en préservant les fonctions essentielles de notre pays, dont le système de santé », a déclaré la Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, lors d'un point presse, précisant que la HAS est partisane d'une vaccination volontaire de la population.
Et alors que toutes les données vaccinales ne sont pas encore disponibles, la HAS a basé ses recommandations sur le bénéfice individuel conféré par les vaccins : « Nous savons que les vaccins qui seront prochainement disponibles protègent des formes sévères de Covid et des décès. En revanche, nous ne savons pas encore s'ils seront capables d'apporter un bénéfice collectif en limitant la transmission », a précisé la Pr Le Guludec. « Les vaccins sont capables d'empêcher la maladie au niveau pulmonaire mais pas forcément la pénétration du virus au niveau des voies aérienne supérieures », détaille le Pr Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations (CTV). La Pr Élisabeth Bouvet, présidente de la CTV, a de son côté souligné que la durée de protection des vaccins n'était pas encore bien connue et que le nombre précis de doses dont disposera la France reste également incertain.
Des recos basées sur la vulnérabilité individuelle et le risque d'exposition
Pour définir les personnes à cibler en priorité, la HAS a identifié deux critères : la vulnérabilité individuelle vis-à-vis des formes graves et le risque d'exposition au virus.
Plusieurs facteurs de risque de formes graves ont été retenus, à commencer par l'âge. « Le risque de formes graves augmente de façon linéaire à partir de 50 ans », a rapporté le Pr Floret. Les comorbidités retenues sont celles qui font consensus dans la littérature : l'obésité, les maladies respiratoires chroniques (insuffisance respiratoire, BPCO), l'hypertension artérielle compliquée, l'insuffisance cardiaque, le diabète de types 1 et 2, l'insuffisance rénale chronique, les cancers traités récemment, les transplantés d'organes solides ou de cellules souches et la trisomie 21. « D'autres pathologies et d'autres types de handicap font aujourd'hui moins consensus mais pourront être intégrés au fur et à mesure de l'acquisition des connaissances », précise le vice-président de la CTV.
Concernant l'exposition, la HAS a retenu que les plus à risque sont les professionnels de santé médicaux, les paramédicaux et auxiliaires médicaux, les brancardiers ainsi que les travailleurs sociaux et les personnels du secteur des services à la personne susceptibles d’accueillir et d’être en contact avec des patients infectés par le SARS-CoV-2.
L'ensemble des professionnels de santé ciblé par la phase 3
Sur la base de ces critères, la HAS préconise de vacciner dans un premier temps, alors que le nombre de doses sera vraisemblablement limité : les personnes âgées vivant en collectivité comme les EHPAD et les unités de soins de longue durée (USLD) - soit environ 750 000 résidents - ainsi que les professionnels travaillant dans ces établissements, dès lors qu'ils sont eux-mêmes à risque (> 65 ans et/ou présence de comorbidités) - soit environ 90 000 personnes.
Dès que le nombre de doses disponibles sera suffisant, la phase 2 pourra être envisagée, et la vaccination pourra dès lors être étendue aux personnes de plus de 75 ans, aux personnes âgées de 65 à 74 ans (avec priorité à celles présentant une ou plusieurs comorbidités), aux professionnels des secteurs de la santé et du médico-social à risque (> 50 ans et/ou présence de comorbidités). Cette phase 2 concerne près de 15 millions de personnes.
Au cours de la phase 3, pourront être vaccinées les personnes à risque en raison d'un âge de plus de 50 ans et/ou de leurs comorbidités (soit 17 millions de personnes environ), l'ensemble des professionnels des secteurs de la santé et du médicosocial (qui n'ont pas été vaccinés au cours de la deuxième phase) ainsi que les opérateurs et professionnels des secteurs considérés comme essentiels au fonctionnement du pays. « Ce n'est pas à la HAS de définir cette dernière catégorie de personnes, cela relève du politique et non du scientifique », note le Pr Floret.
« Pour ces phases 2 et 3, l'objectif reste la prévention des formes graves, des hospitalisations et des décès, tandis que les phases 4 et 5, qui surviendront plus tardivement, visent à élargir la vaccination », explique le Pr Floret.
Un suivi rigoureux des personnes vaccinées
Ainsi, la phase 4 ouvrira la vaccination aux personnes vulnérables et précaires (sans domicile fixe…), à celles vivant en collectivité (prisons, établissements psychiatriques…), aux professionnels au contact de ces personnes vulnérables (travailleurs sociaux…), aux personnes vivant dans des hébergements confinés et à celles travaillant dans des lieux clos comme les abattoirs. Lors de la phase 5, toute personne non ciblée par les précédentes phases pourra se faire vacciner, dès lors qu'elle a plus de 18 ans. En effet, dans un premier temps, les AMM ne seront pas délivrées pour les mineurs, car cette population n'a pas été incluse dans les études à ce jour.
Le détail des différentes phases est résumé dans un tableau récapitulatif en page 50 du document de la HAS. « Il est difficile de donner des dates correspondant aux différentes phases, car ces étapes sont conditionnées par l'approvisionnement en vaccin », souligne le vice-président de la CTV.
Ces recommandations sont comme habituellement évolutives et pourront être adaptées en fonction des nouvelles données, et notamment en fonction des indications fournies par les AMM de chacun des vaccins disponibles. Un suivi précis de pharmacovigilance et d'efficacité sera mis en place, avec un suivi rigoureux des personnes vaccinées.
Des travaux menés en concertation avec l'UE
Par ailleurs, faut-il vacciner les personnes ayant déjà été infectées par le SARS-CoV-2 alors que la durée de protection est variable et incertaine ? Les premiers éléments tendent à montrer que la vaccination ne semble pas avoir d'effet délétère chez ces personnes, mais un groupe de travail de la CTV se penche actuellement sur cette question pour y apporter une réponse fiable.
Pour élaborer ses recommandations, la HAS a travaillé en concertation avec les autres pays de l'Union européenne (UE). « Les travaux sont partagés et les stratégies sont très proches entre pays », note la Pr Bouvet.
La consultation publique portant sur les modalités de la campagne vaccinale se termine ce lundi 30 novembre. Une synthèse est attendue d'ici à la mi-décembre. La Pr Le Guludec a toutefois rappelé le rôle consultatif de la HAS, précisant que c'est au ministère de la Santé que revient la mise en œuvre opérationnelle d'une telle campagne.
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