HISTOIRES COURTES - Fatal hasard

De la suite dans les idées (3/6)

Publié le 28/04/2016

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Par Céline Santran

Choisir un cardiologue sur l’organigramme de l’hôpital, pénétrer dans le réseau interne de l’établissement et pirater la boîte mail du spécialiste avait été la partie la plus facile du plan d’Armand.

Il avait ainsi récupéré le numéro de praticien du cardiologue et les informations dont il avait besoin pour usurper son identité et passer commande, via Internet, d’un pacemaker Biotonik.

Pour la livraison, il avait dû réfléchir un peu plus. Se faire livrer directement à l’hôpital, à moins de bénéficier d’une complicité parmi les membres du personnel, était tout simplement impossible. Restait la livraison à domicile. Problème épineux.

Mais Armand n’était jamais à court d’idée. C’était d’ailleurs son imagination sans borne qui lui avait valu de trouver des idées lumineuses dans la création de logiciels, comme dans le craquage de données, à la grande époque du tandem avec Urbain.

Pour que son stratagème fonctionne, il lui fallait cibler un cardiologue d’âge mûr, comme lui, et de corpulence à peu près identique. Il en trouva deux sur l’organigramme de l’hôpital qui correspondaient. Après quelques recherches sur le net, il bénit le ciel que l’un des deux spécialistes remplisse les conditions qu’il espérait pour exécuter son plan : sans enfants à la maison, et avec une épouse certes sans profession mais qu’il se chargerait d’éloigner le moment venu. Lorsqu’il reçut le mail lui confirmant la date et la plage horaire de livraison du colis, un simple coup de fil suffit pour flatter la jolie dame et lui proposer d’occuper ses heures oisives :

— Notre nouvel institut dédié au bien-être vient d’ouvrir ses portes, et vous avez été tirée au sort pour bénéficier de deux heures de spa offertes par la maison !

Qui aurait refusé ? Même une personne un tant soit peu méfiante serait tout de même allée voir l’institut en question, ne serait-ce que par curiosité. Un mail de confirmation rapidement créé à l’identité de cet institut avait dû la convaincre définitivement.

Le jour J, Armand se prépara pour aller réceptionner le précieux paquet. Il attendit, dissimulé dans sa voiture, que le cardiologue parte travailler et que sa femme s’en aille à son fameux rendez-vous bien-être, puis il enfila son déguisement : une chemise à carreaux fripée et rapiécée aux coudes, pour le côté jardinier laborieux qui ne ménage pas sa peine même les jours de repos, et un pantalon de style anglais très gentleman, pour le côté chirurgien aux goûts raffinés qui tient à avoir la classe même en maniant la serfouette. La panoplie n’aurait pas été complète sans les bottes en caoutchouc, et la casquette vissée sur la tête histoire de tromper son monde et donner l’illusion qu’il était bien celui qu’il prétendait.

Cerise sur le gâteau, le temps était de la partie. Le soleil matinal réchauffait les pelouses et les potagers avec une générosité bienveillante.

— Je me vengerai, je me vengerai ! se répétait Armand en faisant mine de désherber tout en guettant l’arrivée du véhicule de livraison.

Lorsque la camionnette estampillée Mondialpost se gara devant la résidence du docteur Mangin, Armand continua à croire qu’il était décidément verni au pays des vernis. Et pour cause : le livreur sortit à la hâte, courut jusqu’à Armand et lui tendit, sans se poser de questions, le paquet et le récépissé qu’Armand s’empressa de signer. Il repartit ensuite comme une fusée, l’œil sur sa montre.

Armand songea qu’une bonne étoile s’était enfin décidée à l’aider à modifier le cours de son destin. Il rentra chez lui confiant dans la bonne marche du déroulement de son plan machiavélique. Trop confiant, peut-être.

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