Par Céline Santran
Armand pratiquait la théorie des vases communicants : savoir son ennemi en fâcheuse posture l’avait galvanisé. Après ce qu’il lui avait fait, ce n’était que justice, se répétait-il sans une seule pensée pour son esprit de pécheur.
Si un hacker était parvenu à maîtriser un pacemaker, il n’y avait aucune raison que lui, l’informaticien ultra-performant, n’y arrive pas, dût-il y consacrer jours et nuits.
Il fallait procéder dans l’ordre. Avant tout, une petite visite à ce pauvre Urbain s’imposait. Armand prendrait pour prétexte sa volonté d’enterrer la hache de guerre : il avait une si haute opinion de lui-même qu’il n’y verrait que du feu. Au contraire, il s’en trouverait même sans doute flatté, ce pompeux prétentieux.
Lorsque Armand pénétra dans le hall de l’hôpital, l’atmosphère si particulière de l’endroit agit sur lui comme une madeleine de Proust mal digérée. Dire qu’il avait ruminé ici plusieurs semaines l’année dernière à cause de cette fichue prothèse de hanche !
Enfin, la roue tourne, songea-t-il en se dirigeant vers l’accueil pour demander la chambre de d’Urbain.
— Comme les deux doigts de la main, qu’on était ! alla-t-il jusqu’à dire à la jeune employée souriante qui tapotait sur son clavier. Ah là là, ce que j’ai eu peur quand j’ai appris la nouvelle ! Mais je m’en vais te lui requinquer le moral, à mon Urbi !
Arrête ton char, tu pousses un peu trop la plaisanterie, le tança sa petite voix intérieure…
— Urbi, répéta l’employée de l’accueil en pouffant sur son comptoir tandis qu’Armand s’éloignait, j’aurai tout entendu dans ce métier !
— Tiens donc, un revenant ! Si tu viens pour l’extrême-onction, navré de te décevoir, mais tu peux retourner biner tes topinambours ! ironisa Urbain en toisant Armand qui entrait, tout sourire, dans la chambre.
Profite, vieux machin, pendant qu’il est encore temps…
Armand se retint d’exprimer sa pensée, et au lieu de cela répondit sur le ton le plus bienveillant possible :
— On est si peu de chose, finalement… Ton accident m’a fait réaliser qu’il était peut-être temps de faire la paix…
— Mouais, grommela Urbain, peu convaincu.
Visiblement, la tartine de bons sentiments n’était pas assez fournie. Armand allait devoir en remettre une couche…
— Allez, reconnais au moins que je suis beau joueur ! D’ailleurs, tout ça, maintenant, c’est du passé, j’ai même retrouvé du boulot !
Heum, heum… Inventer, vite, trouver un truc…
— Ah ?
— Oui, figure-toi que je me suis recyclé dans le conseil informatique, pour… Brahmasoft !
Après tout, ce n’est pas parce que c’est inventé que ça n’existe pas, s’était dit Armand en même temps qu’il improvisait.
— Brahmasoft ? Connais pas…
— C’est indien.
— C’est bien, tant mieux pour toi… Moi, encore une bonne semaine ici, et si tout va bien je serai comme neuf !
Première information d’importance pour Armand, Urbain restait donc encore suffisamment longtemps pour qu’il mette en place son piège. Une bonne semaine, il faudrait faire avec, mais c’était faisable.
— Et tu sais, je vais avoir droit au tout dernier pacemaker, le top du top, le Biotonik ! Si avec ça, je deviens pas un surhomme ! Ah ah !
Ah ah, ah ça oui, il est impayable, Urbain le bionique !
En tout cas, c’était mission accomplie pour Armand, qui repartit guilleret avec la deuxième information qu’il était venu chercher : la marque du pacemaker sur laquelle il allait devoir travailler les prochains jours.
Prochain épisode dans notre édition du 28 avril
Avec la collaboration de

Article précédent
Au Boulot ! (4/6)
Article suivant
Hasards Croisés (6/6)
Électrochoc (5/6)
Une découverte révolutionnaire (1/6)
Au Boulot ! (4/6)
Une visite empoisonnée (2/6)
Hasards Croisés (6/6)
De la suite dans les idées (3/6)
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série