HISTOIRES COURTES - Fatal hasard

Une découverte révolutionnaire (1/6)

Publié le 14/04/2016
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celine

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Par Céline Santran

Depuis un an, Armand traînait sa vieillerie, comme il aimait le répéter, de la chambre au salon, et de la cuisine au jardin avec autant d’entrain qu’un ours sur une banquise en perdition.

« Mais on n’est pas vieux à cinquante-neuf ans ! » lui serinait pourtant sa femme Babeth.

Rien à faire. Armand n’écoutait pas.

 

Cela faisait un an qu’il ruminait son licenciement. Informaticien hors pair, tous ses collègues avaient toujours reconnu son talent, son génie même, en matière d’innovation informatique. Armand avait pourtant fini par être piétiné par son plus fidèle collaborateur, son ami et collègue Urbain.

Ils avaient travaillé ensemble et en secret pendant des mois au développement d’un nouveau logiciel dont ils savaient qu’il ferait à coup sûr un carton commercial et leur permettrait de quitter leur statut de simples employés pour monter leur propre entreprise grâce à leur découverte. Armand n’avait rien vu venir, avait bêtement fait confiance, comme il l’avait toujours fait, et au moment de récolter des lauriers communs, les yeux d’Urbain avaient brillé de cette lueur jaune comme le blé, verte comme l’oseille. Le traître s’était approprié l’intégralité de la conception du logiciel et avait déjà monté, seul, son entreprise.

L'ordure.

Armand avait continué à végéter quelques semaines dans la petite entreprise qui l’employait depuis vingt ans, avait enchaîné les retards et les erreurs de programmation, pour finir par se faire licencier.

Au début, Armand tourna en rond. Fulmina. Rugit aussi, parfois. Il hurlait sa colère en cliquant rageusement sur sa souris pour envoyer à Urbain des fléchettes virtuelles en pleine tête. La création de ce jeu était le seul défouloir qu’il avait trouvé pour combler le vide de ses journées et alimenter sa haine. Piètre consolation.

— Bien mal acquis ne profite jamais ! s'exclama-t-il un matin en apprenant l’infarctus et l’hospitalisation d’Urbain, apparemment sauvé in extremis. Il en avait trop fait, n'avait pas su s’arrêter à temps, la sentence était tombée. Le cœur ne suivait plus les manipulations perverses d’un cerveau dérangé.

L'ingénieur et escroc hyperactif allait désormais devoir composer avec une faiblesse cardiaque qu’il faudrait surveiller de près.

— Le pauvre ! sourit Armand.

— Tu ne vas tout de même pas souhaiter sa mort ! gronda Babeth.

Cause toujours, pensa Armand.

— Tant qu’il est à l’hôpital, y’a de l’espoir…, ironisa-t-il.

 

Deux jours plus tard, Armand terminait son café tout en faisant défiler les nouvelles fraîches sur l’écran de sa tablette.

— Tu ne peux pas lire La Depêche sur un bon vieux papier journal comme tout le monde ! ronchonna sa femme qui avait toujours mis un point d’honneur à refuser ces nouvelles technologies auxquelles son mari avait voué sa vie. Pour ce que ça lui avait rapporté…

 

Mais Armand n’entendit même pas. Absorbé par l’article qu’il était en train de lire, il était tout simplement sidéré. Il la tenait, sa vengeance. Là, sous ses yeux. C’est le magazine scientifique australien dédié à la sécurité, « SC Magazine », qui révélait l'affaire. Barnaby Jack, hacker spécialiste de la sécurité informatique, venait de démontrer comment pirater un pacemaker. Grâce à une fonction secrète qui peut être utilisée pour activer tous les pacemakers à proximité, l'appareil renvoie son numéro de modèle et de série. Avec un simple ordinateur portable, l'expert réussit alors à prendre le contrôle à distance (jusqu'à 10 mètres) de la pile cardiaque et à en réécrire le code informatique.

D'un simple clic, il peut ensuite arrêter l'appareil ou télécommander un choc électrique, mortel, de 830 volts…

 

Prochain épisode dans notre édition du 21 avril

Avec la collaboration de   logo-fond-gris-2000_1.png

Par Céline Santran

Source : Le Quotidien du médecin: 9488