Par Céline Santran
Installé dans sa voiture sous la fenêtre de la chambre d’Urbain depuis plusieurs heures, Armand avait à maintes reprises attrapé des sueurs froides. Il avait enchaîné les manipulations sur son ordinateur sans réelle satisfaction. À chaque fois qu’il avait cru pouvoir ouvrir une brèche dans le contrôle du pacemaker, un nouveau verrou l’avait stoppé net. Il regarda sa montre. Déjà onze heures. Les muscles toujours contractés, crispés par l’angoisse, il sortit se dégourdir un peu. Le parking s’était peu à peu rempli. Un ballet de visiteurs et d’ambulances rythmait les va-et-vient et il régnait sur l’hôpital comme un brouillard oppressant, typique des purgatoires.
Armand leva les yeux vers la chambre d’Urbain. Bâtiment A, premier étage, troisième fenêtre en partant de la gauche. Le store avait été levé aux trois quarts. Il imagina Urbain dans son lit, en train de fanfaronner, comme à son habitude. L’idée le fit vaciller de rage. Non. Il en était convaincu : Urbain était en train d’agoniser après une attaque foudroyante. Ou à la rigueur en pleine opération de la dernière chance, après une défaillance inexpliquée de son pacemaker.
Soudain il n’y tint plus. Il fallait qu’il aille vérifier. Après tout, même s’il n’était pas parvenu à contrôler le pacemaker à distance, il avait sûrement réussi à en perturber le bon fonctionnement. Lorsqu’il s’arrêta devant la chambre 115, le cœur battant la chamade, il se sentit presque défaillir. Il ouvrit la porte les jambes tremblantes, l’esprit toujours aveuglé par sa soif de vengeance. Ce qu’il vit finit de lui couper les jambes : il apercevait, par l’entrebâillement de la porte de la salle de bains, Urbain en train de se brosser les dents. Impeccablement habillé, coiffé et rasé de près, celui qui avait, quelques jours plus tôt, frôlé la mort, semblait en grande forme.
– Ah ! Armand ! Un peu plus, et tu me ratais ! Le médecin a donné son feu vert pour que je rentre au bercail ! Mais tu tombes très bien, je voulais justement te parler. Figure-toi que depuis ta dernière visite, j’ai beaucoup…
Urbain n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’Armand s’écroulait comme une poupée de chiffon.
***
Lorsqu’il rouvrit les yeux, l’esprit confus, son corps semblant peser une tonne, Armand se demanda d’abord où il était. Allongé sur un lit, avec une armada de blouses blanches qui s’affairait autour de lui. Tuyaux, oxygène, vapeur d’éther, membres engourdis. Mais surtout, surtout, il y avait ce visage rond, oppressant, omniprésent, avec ces yeux globuleux qui roulaient comme ceux d’un automate fou, juste au-dessus de sa tête. Urbain. Son regard perçant, son visage inquiet, et son sourire crispé.
– Dieu soit loué ! hurla ce dernier, achevant au passage le peu de tympan qu’il restait à Armand. Tu m’as fait une de ces peurs ! Heureusement que j’ai appelé les médecins tout de suite, à quelques secondes près, tu y passais, mon vieux ! Ah là là là ! Ce que je suis content ! Tu te rends compte, je t’ai sauvé la vie mon vieux, sauvé la vie ! Avec toute cette prise de conscience que j’ai faite ces derniers jours, et dont je n’ai même pas encore eu le temps de te parler, vraiment, je crois que si tu y étais resté, je ne m’en serais pas remis !
« Je t’ai sauvé la vie mon vieux, je t’ai sauvé la vie ! » Ces mots résonnèrent longtemps dans le cerveau d’Armand alors qu’une vague d’amertume s’emparait de lui.
Une prochaine histoire courte dans notre édition du 2 juin
Avec la collaboration de

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