Addictologie

Laurence Cottet* : « Briser le tabou de la femme et de l’alcoolisme »

Publié le 13/06/2014
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Plus vulnérables aux effets de l’alcool que l’homme, les femmes en paient le prix fort tant elles sont susceptibles de développer un sentiment de honte ou de culpabilité qui les empêche de demander de l’aide. Mais la guérison est possible. sLaurence Cottet peut en témoigner. Après dix années d’alcoolisme, elle a réussi à arrêter et a construit une méthode de bon sens déjà appliquée avec succès dans le service d’addictologie de l’hôpital de Valence.

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Le Généraliste. Comment êtes vous tombée dans le piège de l’alcool ?

Laurence Cottet. Je n’ai rien vu venir avec l’alcool : l'environnement professionnel, les ivresses avec les amis, la consommation mondaine, avec mon époux que j’ai perdu à l’âge de 35 ans, puis solitaire et honteuse, le « toujours plus ». C’était l’alcool pour ses effets psychotropes. Au final, ce fut un coma éthylique, une dépression, une humeur fluctuante, des tentatives de suicide…

Dans votre histoire, le fait d’être une femme est-il entré en ligne de compte ?

L.C. Oui, En tant que femme, je me sens très différente en ce qui concerne l’image sociale de l’alcoolisme, extrêmement négative, honteuse. La femme dissimule sa consommation beaucoup plus vite qu’un homme. Bien plus que lui, elle tarde des années à se faire soigner et ne le fait qu’une fois la survenue d’un problème somatique. La société, y compris les hommes alcooliques, juge la femme alcoolique comme une "pochtronne" et une "débauchée". C’est le sens de mon témoignage : je veux briser un tabou, celui de la femme et de l’alcoolisme. Malgré ma lucidité sur la personne alcoolique que j’étais devenue, j’étais gangrenée par la honte et celle-ci – encore plus parce que je suis une femme – m’a empêchée de demander de l’aide, de trouver plus facilement une solution. La honte d’être une femme alcoolique nous empêche de nous soigner.

Quand vous êtes vous décidée à demander de l’aide ?

L.C. Lorsque je me suis effondrée devant 600 personnes, plongée dans un coma éthylique !

Qu’attendiez vous alors d’un médecin ?

L.C. Une écoute, une bienveillance, du temps. Et de la part du médecin traitant – qui n’en a pas toujours à consacrer – au moins de repérer mon problème et de m’adresser à un spécialiste. J’ai eu du mal à trouver un médecin qui trouve les bons mots car, en tant que femme, j’étais encore plus gênée. J’ai eu la chance d’être suivie par une femme médecin qui a beaucoup d’empathie, dont je me suis sentie plus proche parce qu’elle est une femme et qui était sensibilisée par son passé d’urgentiste confrontée à un nombre croissant de femmes alcooliques.

Vous avez finalement pu arrêter ?

L.C. Oui, la guérison est possible, mais je reste fragile. J’ai pu m’en sortir en formalisant ce que je ressentais et les questions que j’aurais aimé que l’on me pose lorsque j’étais perdue. L’écriture fut pour moi thérapeutique.

À partir de votre propre expérience, vous avez formalisé une méthode que vous exposez dans votre livre...

L.C. Oui, j’ai appelé cette méthode H3D : le premier H pour ne pas avoir Honte d’en parler et de se faire aider, le second pour être Honnête avec soi-même et autrui en reconnaissant sa dépendance, et le dernier pour faire preuve d’Humilité face à la puissance de l’alcool et vis-à-vis de sa fragilité (et accepter un suivi psychologique sur le long terme), et enfin D pour renaître en cheminant vers son Désir grâce à un parcours de soins que les médecins appellent la sobriété émotionnelle (gérer ses émotions sans passer par la boisson, ndlr).

*Auteure de « Non, j’ai arrêté. Trouver un chemin de sortie face à l’alcool ». Interéditions, 17,50 euros.
Propos recueillis par Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr