Article réservé aux abonnés
Dossier

Inégalités de santé : À quand la parité femme-femme ?

Le poids du social sur la santé des femmes

Publié le 13/06/2014
Le poids du social sur la santé des femmes


MAURO FERMARIELLO/SPL/PHANIE

Ostéoporose, insuffisance veineuse, cancer du sein et du col... Certaines pathologies touchent plus volontiers le sexe faible, voire lui sont spécifiques. Par ailleurs, les femmes pâtissent encore de préjugés médicaux qui peuvent gréver leur prise en charge. Mais en marge de ces inégalités de genre, ce sont aussi les inégalités sociales qui pèsent sur la santé des femmes. Qu’il s’agisse de comportement alimentaire, de participation au dépistage, de recours aux médicaments... la parité santé femme-femme est encore loin d’être atteinte !

Signes des temps ? Alors que depuis une trentaine d’années les disparités hommes/femmes sur le plan de la santé tendent à se tasser, de plus en plus de travaux mettent en exergue l’impact du contexte socio-économique chez la femme. Plus que les inégalités de genre, ce serait donc désormais surtout les inégalités sociales qui pèsent sur la santé des femmes ? « Difficile de hiérarchiser les deux, relativise Nathalie Fourcade, sous-directrice de l'Observation de la Santé et de l'Assurance Maladie (OSAM) à la DREES. Les inégalités sociales existent chez les femmes et sont importantes mais sont moins marquées que chez les hommes. »

À 35 ans, l’écart entre l’espérance de vie d’une ouvrière et une femme cadre est de 3 ans, contre 6 chez les hommes. Néanmoins, « les femmes restent un groupe clivé par des disparités et des inégalités, poursuit Nathalie Fourcade. Ce serait cependant une erreur de parler de clivage social grandissant car les écarts se maintiennent. » Ainsi, la différence d’espérance de vie entre les femmes avec ou sans baccalauréat (3 ans) n’a pas bougé depuis le milieu des années 70. Seules les disparités sociales en matière d’obésité se distinguent et semblent s’accroître depuis les années 1980, particulièrement chez les femmes.

Des inégalités multifactorielles

« Les inégalités sociales en santé chez la femme comme chez l’homme sont multifactorielles, d’où la nécessité d’une approche très large de leurs déterminants, souligne Nathalie Fourcade, entre ceux liés aux différences de recours aux soins, de mode de vie, de niveau socio-économique culturel, etc. Il est délicat de quantifier la part de chaque facteur. »

Concernant les comportements de santé, l’obésité apparaît comme un marqueur social particulièrement important avec des disparités croissantes et plus marquées pour les femmes que pour les hommes. Les femmes ayant un niveau d’études inférieur au bac ont ainsi deux fois plus de risque d’être en surpoids ou obèses que celles qui ont suivi au moins trois années d’études supérieures et les inégalités entre femmes sont plus flagrantes que celles observées entre hommes. Ces écarts nets en termes d’obésité sont très liés au comportement alimentaire et à la pratique de l’exercice physique. Et pourraient bien s’aggraver avec la crise économique comme le suggère une récente enquête OFA/CSA. Dans ce travail, 53% des femmes interrogées estiment que la crise a dégradé la qualité de leur alimentation(contre 47% des hommes) et 34% ont réduit leurs activités sportives pour faire des économies (contre 30%).

Prévention et dépistage directement corrélé au gradient social

Autre exemple emblématique : le dépistage. On le sait depuis longtemps, la participation augmente au gré de l’échelle sociale. D’après le Baromètre santé 2010, la pratique du dépistage du cancer du col de l’utérus varie selon l’activité, la catégorie professionnelle et le niveau de diplôme avec un recours plus fréquent chez les femmes en activité professionnelle (87% contre 75%), celles qui ont un niveau de diplôme supérieur au baccalauréat (88% contre 75%), celles vivant dans un ménage dont le revenu mensuel est supérieur à 1 800 euros, chez les femmes artisans, commerçantes, chefs d’entreprise (91%) et les femmes cadres (87%), loin devant les agricultrices et les femmes sans activité. Toucher les exclues du dépistage est d’ailleurs l’objectif des expérimentations menées avec succès avec l’autotest HPV.

Même constat pour le cancer colorectal : l’enquête InVS 2006-2007 souligne que les femmes qui ne participent pas au dépistage par Hémoccult® ont plus souvent dû renoncer à des soins pour raisons financières et ont moins souvent de mutuelle santé complémentaire.

Mais ce rapport au dépistage peut évoluer favorablement. Pour preuve le dépistage du cancer du sein. Les enquêtes répétées depuis 2000 montrent que les disparités entre catégories socioprofessionnelles dans la pratique de la mammographie persistent mais tendent néanmoins à s’amenuiser depuis la généralisation du dépistage organisé en 2004.

Les femmes enceintes en situation de précarité ont aussi un moindre suivi médical, comme en témoigne les chiffres du ministère des Droits de la femme. Ainsi, 20 % des femmes bénéficiant de la CMU ou de l’AME n’ont pas déclaré leur grossesse au 1er trimestre, ainsi que 39 % des femmes sans couverture sociale.

Même la contraception suit le mouvement. Dans l’étude Fecond parue en mai, les auteurs pointent ainsi un recours croissant aux méthodes naturelles dans les populations les moins diplômées.

L’alcool, l’exception à la règle

La consommation d’alcool, en revanche, fait exception à la règle avec des niveaux de consommation et de pathologies associées désormais, plus élevée chez les femmes cadres. Cela car le rapprochement des rôles sociaux hommes/femmes et leurs conséquences en termes de comportements à risque semblent plus marqués en haut de l’échelle sociale, où l’adhésion aux modèles traditionnels est moins forte.