Alors que l'incidence des cancers cutanés est en augmentation, favorisée par le vieillissement de la population, le nombre de dermatologues est en baisse, ce qui se traduit par une augmentation des délais de rendez-vous. Ceci peut avoir des conséquences potentiellement importantes sur le pronostic des cancers cutanés, et le coût de leur prise en charge.
Un dépistage plus rapide
Ce constat conduit à développer des expériences de télémédecine, telles que le projet pilote financé par l'Agence régionale de santé Ile-de-France, basé sur l'utilisation d'une application pour smartphone, Ortif (Outil régional de télémédecine d'Ile-de-France).
La télémédecine par smartphone a déjà fait la preuve de sa fiabilité dans ce contexte. Selon les données de précédentes expériences, les taux de concordance des décisions prises par les dermatologues selon que les lésions sont examinées en vis-à-vis ou sur des photographies prises par ce type de téléphone sont élevés : 90 % pour le caractère bénin ou malin, 82 à 93 % pour le diagnostic et 81 % pour la prise en charge. Les cancers sont dépistés plus tôt, avec un gain de 49 à 75 jours selon les études, et les mélanomes sont moins épais et donc de meilleur pronostic. L'indice de Breslow moyen passe en effet de 1,64 mm à 1,06 mm. Le coût de la prise en charge est diminué, avec un moindre recours aux consultations en vis-à-vis et un taux plus élevé de traitement dès la première consultation (93 % versus 82 %).
La télémédecine présente d'autres intérêts potentiels : sécurisation des échanges de données entre médecins, outils de tri des urgences pour les dermatologues et autoformation continue des médecins généralistes. Ses risques ont également été évalués. Celui de faux-négatif est très faible, avec un seul cas de mélanome achromique sur plus de 3 000 lésions examinées dans les différentes études et pour les tumeurs non mélanocytaires, 5 kératoses précarcinomateuses et un carcinome basocellulaire sur 1 138 lésions. La mauvaise qualité des images est quant à elle devenue très rare avec les nouveaux appareils.
L'application Ortif, utilisable en mode déconnecté, est destinée aux médecins généralistes. Elle leur permet de prendre en photo toute lésion suspecte de cancer cutané et, après avoir rempli un court télé-dossier, d'envoyer les images instantanément et de manière sécurisée au dermatologue de proximité, qui juge alors du degré d'urgence et du type de prise en charge. En retour, le dermatologue fait un compte rendu de télé-expertise, éventuellement de consultation, joint les résultats de l'examen anatomopathologique. Un compte rendu final est généré automatiquement en format pdf.
L'étude pilote a débuté en janvier 2018 dans les départements 77, 93 et 94, avec la participation de 10 dermatologues et d'une centaine de médecins généralistes (10 par dermatologue) qui ont été formés au dépistage des cancers cutanés et à l'utilisation de l'application. Onze mois après le lancement de ce projet, 91 généralistes ont été recrutés et 71 formés ; 52 se sont inscrits sur la plateforme Ortif et 33 ont fait au moins une demande de télé-expertise.
Un délai de réponse de 1,5 jour
Au total, les 120 demandes conclues avec envoi du pdf ont conduit au diagnostic de 46 lésions cancéreuses ou précancéreuses, dont 5 mélanomes, 4 carcinomes épidermoïdes, 17 carcinomes basocellulaires, 2 maladies de Bowen, un cancer du sein étendue à la peau, 17 kératoses pré-épithéliomateuses et de 74 lésions bénignes, majoritairement des naevus et des kératoses séborrhéiques. Soit une très bonne rentabilité, de 38 %. Alors que les délais de rendez-vous actuels chez le dermatologue sont de 3 mois, le recours à l'outil Ortif a fait gagner du temps : le délai de réponse du dermatologue est de 1,5 jour et celui de la prise en charge des suspicions de cancer cutané de 14 jours. Les délais d'exérèse sont adaptés à la gravité de la tumeur : 10 jours pour les mélanomes, 48 jours pour les carcinomes épidermoïdes et 85 jours pour les basocellulaires. La concordance de malignité versus bénignité est de 82,5 % et la concordance diagnostique de 74 %. Le taux de consultations évitées est de 18,6 %.
Ce projet, qui fait partie intégrante du réseau de soins Oncoderm, va s'étendre en 2019 avec la formation d'une centaine de nouveaux médecins généralistes.
Communication de la Dr Marie-Sophie Gautier, hôpital Henri-Mondor (Créteil)
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