C’est une première. Le plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes lancé le 22 novembre dernier a reconnu ce fléau comme priorité de santé publique. D’une part pour renforcer l’aide aux victimes, d’autre part pour sensibiliser la population. Les médecins étant les premiers visés. Tandis que 10 % des femmes en France s’avèrent victimes de violences conjugales, trois quarts des étudiants en médecine jugent la prise en charge ce celles-ci inadaptée ou peu adaptée. Dans la même lignée, 60 % des médecins généralistes se disent insuffisamment formés en la matière. Des chiffres qui n’étonnent guère le Dr Richard Matis, gynécologue-obstétricien à Lille et vice-président de Gynécologues sans frontières (GSF) : « On assiste à une forte méconnaissance des professionnels de santé vis-à-vis des violences faites aux femmes ». Une réalité qu’il a observée dans le cadre des formations organisées dans le Nord Pas de Calais par le CRMSF (Centre Régional d’accueil et d’accueil et de prise en charge des mutilations sexuelles féminines). Parmi les participants, seulement 18 % étaient des médecins, contre 61 % de sages-femmes et de personnel paramédical.
Encore des résistances
Des résistances, il y en a. Et elles sont telles que son enquête sur les violences faites aux femmes a été refusée par 25 % des maternités : « Il n’y en pas chez nous », lui a-t-on dit. Et pourtant, les résultats de cette double enquête régionale ont eu leur mot à dire. Puisque 1 femme enceinte sur 5 a déclaré avoir été victime de violences. Dont 6 % de femmes victimes de violences conjugales. Non pas que les médecins se mettent des œillères, ils n’ont simplement pas été formés : « Ni les médecins ni les sages-femmes n’ont été formés à la prise en charge psycho-sociale », insiste le Dr Richard Matis. Peu d’entre eux savent que la violence est un facteur de risque de grossesse et qu’elle mérite à ce titre d’être investiguée. Ni que « 16 % de la mortalité maternelle est liée à des violences conjugales », avance-t-il. La formation est donc indispensable pour sensibiliser les médecins aux risques sanitaires et au rôle qui leur incombe. Une formation qui suggère des pistes de prises en charge. Qui apprend qu’une simple question posée, voire un poster affiché en cabinet, est une porte ouverte à la parole. Parole souvent minimisée et ambivalente, qui attend d’être libérée.
Des jeunes mieux formés
Les chiffres des violences faites aux femmes - 154 000 femmes violées entre 2010 et 2011 - permettent de mesurer l’importance du rôle des professionnels de santé. Le Pr Roger Henrion, membre de l’Académie nationale de médecine et auteur du rapport de 2001, se veut plutôt positif : « Les choses vont finir par s’améliorer ». C’est sur les jeunes médecins qu’il compte, et plus particulièrement sur les étudiants en médecine : « 90 % des étudiants sont convaincus qu’ils devraient s’intéresser aux violences dans le cadre de leur carrière professionnelle », rapporte-t-il. La formation initiale, du 1er au 3e cycles des études médicales, est selon lui une piste à privilégier. L’ajout de l’item « violences sexuelles » à l’Examen national classant (ECN) constitue le cœur de cette avancée. Une mesure entre autres énoncée dans le cadre du plan triennal contre les violences faites aux femmes, au même titre que la formation continue. D’autres mesures sont attendues, comme la mise en place d’un kit de constatation de viols expérimentés aux urgences, tel qu’il en existe aux États-Unis. Mais certaines, comme la revalorisation des tarifs de consultation de victimes, plus demandeuses de temps, n’y figurent pas encore.
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