Dans les pays industrialisés, les femmes ont adopté en vingt ans les comportements à risque des hommes. C’est pourquoi les maladies cardiovasculaires sont devenues la deuxième cause de mortalité après les cancers chez les femmes de 45 à 64 ans. Bien plus, elles ne sont plus l’apanage des femmes ménopausées (1).
Ces données épidémiologiques sont encore peu connues. Le risque cardio-vasculaire féminin reste ainsi sous-estimé par le médecin généraliste, mais aussi par le cardiologue (2). La prise en charge des femmes est aujourd’hui encore moins agressive que celle des hommes.
Ces données ont conduit à l’élaboration d’une nouvelle classification américaine du risque cardiovasculaire dédiée aux femmes, qui est plus proche de la réalité que celle de l’étude de Framingham ou l’échelle européenne de risque Score, car elle tient compte de leurs spécificités hormonales et de leurs situations cliniques spécifiques (3). Dans ces recommandations, la femme est considérée comme soit « à risque », élevé ou très élevé, soit comme « en situation optimale de santé » si elle n’a aucun facteur de risque et si son hygiène de vie est parfaite.
Certaines situations spécifiques majorent le risque des femmes, par exemple la pré-éclampsie, le diabète gestationnel, les maladies inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, lupus) qui favorisent l’apparition précoce de l’athérosclérose mais aussi la contraception avec éthinyl-estradiol (comprimé, anneau vaginal ou patch), la fibrillation atriale, la dépression et la précarité. À la ménopause, toutes les femmes sont à haut risque car la carence estrogénique favorise l’apparition d’un syndrome métabolique, d’une rigidité artérielle, d’une hypertension artérielle systolique et elle majore le risque de thrombose. Le tabac, le diabète et le stress sont aussi plus délétères sur les artères de femme.
En Europe comme aux États-Unis, il convient de développer une prévention cardio-vasculaire spécifique à l’égard des femmes. Sous l’impulsion de la Fédération Française de Cardiologie, des campagnes grand public s’emploient à informer les femmes sur leur hygiène de vie et sur le dépistage de leurs facteurs de risque. Une brochure « Coeur, artères et femmes » peut ainsi être consultée et commandée sur le site internet **. Les femmes peuvent tester en ligne sur ce même site leur risque cardiovasculaire avec le test « j’aime mon coeur ».
Trois phases clés du dépistage chez la femme : première contraception et renouvellement, grossesse, périménopause.
Par ailleurs, pour la première fois, des recommandations ont été élaborées pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux chez les femmes (4). Ce risque chez les femmes est en effet notamment influencé par la grossesse, les œstroprogestatifs et la migraine avec aura. Les éléments principaux de ces recommandations sont le contrôle de la pression artérielle et le traitement de la fibrillation atriale.
Il est opportun de créer des parcours coordonnés de soins impliquant les omnipraticiens, les cardiologues et les gynécologues, et de souligner les étapes de la vie d’une femme relevant d’un bilan cardio-vasculaire. C’est le cas avant la mise en œuvre d’une contraception et lors de son renouvellement, lors de la programmation d’une grossesse, et enfin lors de la périménopause. Un tel parcours de soins a été créé dans le Nord-Pas-de-Calais avec une première évaluation en cours. Il s’inscrit dans une prise en charge en charge de la « santé globale » de la femme, il en définit l’omnipraticien comme un acteur clé. Ses objectifs : permettre l’identification des femmes à risque, revoir et discuter une contraception à risque, discuter l’initiation d’un traitement hormonal de la ménopause et optimiser le suivi gynécologique.
* Chef de Service de Médecine Vasculaire et d’Hypertension Artérielle, CHRU Lille, 1re Vice Présidente de la fédération Française de Cardiologie.
**www.fedecardio.org, rubrique « brochures » puis « prévention ».
(1) Maas AHEM, et al. Red alert for women’s heart : urgent need for more research and knowledge on cardiovascular disease in women. Eur Heart J 2011; 32: 1362–1368.
(2) Mounier-Vehier C, et al. Gender-related differences in the management of hypertension by cardiologists : the PARITE study. Arch Cardiovasc Dis 2012; 105: 271–280.
(3) Mosca L, et al. Effectiveness-based guidelines for the prevention of cardiovascular disease in women-2011 update : a guideline from the American Heart Association. Circulation 2011; 123: 1243–1262.
(4) Bushnell C, et al. Guidelines for the Prevention of Stroke in Women : A Statement for Healthcare Professionals From the American Heart Association/American Stroke Association. Stroke 2014 : 01.str.0000442009.06663.48.
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