Allergie alimentaire.

De nouvelles voies thérapeutiques

Publié le 17/11/2014
Article réservé aux abonnés

L’immunothérapie orale (ITO) a prouvé son efficacité dans les essais cliniques mais elle est limitée par sa tolérance. Elle agirait par activation des cellules dendritiques de la muqueuse intestinale qui modulent la réponse allergique via une immunomodulation des cellules tissulaires et circulantes. D’autres mécanismes interviennent dont une réduction du taux des IgE spécifiques de l’aliment et l’augmentation polyclonale des taux d’IgG4 spécifiques. L’ITO s’effectue en trois phases : après l’évaluation de la dose maximale tolérée par administration de doses croissantes d’allergène, un traitement de consolidation est instauré pendant 6 à 12 mois avec augmentation progressive des doses, suivi d’un traitement d’entretien à dose constante pendant plusieurs années. Des tests de provocation orale (TPO) en milieu hospitalier évaluent régulièrement la quantité d’allergène tolérée.

"Les résultats de l’ITO ont été positifs pour l’allergie à l’arachide, l’œuf et le lait sur de petites cohortes, mais les méta-analyses soulignent le manque de données permettant d’évaluer son efficacité à long terme " indique le Pr Christophe Dupont.

Les effets secondaires sont généralement oropharyngés, modérés et faciles à contrôler par des antihistaminiques mais des réactions plus sévères (urticaire, wheezing, œdème laryngé, vomissements à répétition ...) sont possibles. Les symptômes gastro-intestinaux sont actuellement le facteur le plus limitant, obligeant à interrompre 10 à 15 % des ITO. Par ailleurs, les infections virales, les menstruations et l’effort physique peuvent diminuer le niveau de réactivité et provoquer une réaction aiguë à une dose jusque-là bien tolérée. L’interruption de la consommation de l’allergène, même brièvement, peut aussi conduire à une réapparition de la réactivité.

Dans l’immunothérapie sublinguale (ISL), des quantités croissantes d’extraits d’allergènes sont placées sous la langue (puis crachés ou avalés). Le schéma thérapeutique est identique à celui de l’ITO mais avec des doses d’allergènes bien inférieures.

L’ISL agirait par interaction de l’allergène avec les cellules de Langerhans tolérogènes de la muqueuse buccale réduisant la réponse allergique. Elle est utilisée depuis plusieurs années pour le traitement de l’asthme et de la rhinite allergique. Les résultats ont été positifs dans l’allergie au kiwi, à la noisette, à la pêche, à l’arachide. Dans l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV), la désensibilisation a été obtenue après 60 semaines chez 6 enfants sur 10 traités par ISL suivie d’ITO à faible dose, 8 sur 10 après ISL/ITO à forte dose versus un sur 10 traités uniquement l’ISL. Les réactions sont moindres avec l’ISL qu’avec l’ITO. On ne dispose pas actuellement de facteurs prédictifs de la réponse à l’ISL. "Comme l’ITO, elle ne peut être mise en place actuellement que par des équipes spécialisées" insiste le Pr Dupont.

Dans l’immunothérapie épicutanée (EPIT), l’allergène est administré via un patch. Ce qui évite tout risque de réaction générale ou digestive. L’allergène est capté par les cellules de Langerhans intra-épitheliales qui migrent vers les ganglions lymphatiques entraînant l’immunomodulation des cellules effectrices.

Dans une étude chez 18 enfants de moins de 8 ans présentant une APLV, l’EPIT a augmenté la tolérance après 3 mois de façon non significative mais suffisante pour poursuivre les investigations. Dans l’étude ARACHILD chez 54 enfants âgés de 5 à 17 ans présentant une allergie sévère à l’arachide, deux tiers d’entre eux ont multiplié par au moins un facteur 10 leur seuil de réactivité après 18 mois ; l’essai se poursuit pour une durée totale de 36 mois.

D’après un entretien avec le Pr Christophe Dupont, hôpital Necker–Enfants-Malades, Paris

Références :

Dupont C Archives de Pédiatrie 2014;21:564-566

Jones SM et al J Allergy Clin Immunol 2014; 133 :318-23

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Bilan spécialistes