Le tabagisme diminue en France et en Europe depuis la fin des années 1990 mais est en légère progression durant la période 2005-2010, sans toutefois atteindre les taux d’il y a 20-30 ans. Cette réduction est beaucoup moins nette chez les jeunes que chez les adultes. Ainsi, les données de l’enquête Escapad 2011 (1) révèlent que 31,5 % des jeunes de 17 ans et celles de l’enquête HSBC que 15 % des jeunes en classe de troisième fument quotidiennement du tabac ; près de 70 % des jeunes de 17 ans ont déjà fumé. En outre, la prévalence du tabagisme est quasiment identique chez les garçons et chez les filles.
Certaines données récentes sont plus optimistes. Ainsi, dans l’enquête 2014 « Paris sans tabac » menée auprès de collégiens et lycéens parisiens, le tabagisme a baissé de 9 % entre 2011 et 2014 (2). Certains y voient l’effet de la cigarette électronique (en 2014, 39 % des jeunes de 16 à 19 ans disent l’avoir essayée contre 10 % en 2011) ; d’autres, plus sceptiques, font remarquer que les jeunes qui vapotent sont essentiellement ceux qui fument.
Un impact psychosocial déterminant
Il a été étudié dans l’étude longitudinale Tempo (3). « Une des données essentielles est l’influence du tabagisme des parents, insiste Maria Melchior. On remarque aussi que lorsque les parents arrêtent de fumer, leurs enfants ont la même probabilité d’entrer dans le tabagisme que les enfants de parents non-fumeurs. On s’aperçoit également qu’une situation sociale défavorable des jeunes ou de leur famille est liée à une plus forte probabilité du tabagisme ». Le niveau de tabagisme des jeunes issus de milieux sociaux défavorisés ou qui rencontrent eux-mêmes des difficultés dans leur parcours scolaire ou en matière d’insertion dans le marché du travail est plus élevé que parmi les jeunes qui ont une situation sociale plus favorable. « La différence est particulièrement nette pour la dépendance à la nicotine », précise M. Melchior. Dans l’étude Escapad, les jeunes de 17 ans en apprentissage, au chômage ou déjà sur le marché du travail fument 2 à 4 fois plus que les élèves ou les étudiants. Ceux qui ont redoublé une classe, ceux dont les parents sont séparés fument également davantage. Ces inégalités sociales vis-à-vis du tabagisme augmentent au cours de la vie.
La prévention commence très tôt
Le tabagisme est un comportement multifactoriel et il n’existe pas de solution unique pour faire baisser le nombre de fumeurs chez les jeunes. Les recommandations d’actions préconisées par le groupe d’expertise collective de l’Inserm sur les conduites addictives des jeunes (février 2014) préconisent plusieurs mesures. Tout d’abord, il s’agit de prévenir l’initiation par une sensibilisation des parents, un renforcement de la formation des intervenants en milieu scolaire et de loisir, un meilleur encadrement de la vente de tabac, un renforcement des lois réglementant la publicité. Tout ceci devant s’accompagner du développement des compétences psychosociales des enfants, c’est-à-dire de la manière d’interagir avec les autres et de développer leur estime et leur confiance en soi de façon à ne pas céder à la pression de leurs pairs. Le groupe d’experts préconise également d’améliorer le repérage des usages à risque et les interventions précoces, de renforcer les actions de première ligne telles que les « Consultations Jeunes Consommateurs » et d’intégrer la lutte contre le tabagisme avec celle contre l’usage d’autres produits psychoactifs (alcool, drogues illicites). Enfin, il paraît nécessaire de développer au niveau local des structures publiques transversales d’animation dédiées aux addictions afin d’assurer une coordination régionale des acteurs territoriaux.
«L’âge de la première cigarette est de 14 ans. Il faut garder à l’esprit, conclut M. Melchior, que l’adolescence est une période de vulnérabilité et qu’il est donc nécessaire que l’enfant soit sensibilisé très tôt, dès son entrée dans le secondaire ».
Entretien avec Maria Melchior, épidémiologiste, chargée de recherche, Inserm
(1) Enquête Escapad 2011. Site de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies).
(2) Enquête réalisée annuellement auprès d’un échantillon représentatif de 2 % des élèves des collèges et lycées parisiens. Site de l’Office français de prévention du tabagisme et autres addictions (OFTA).
(3) Melchior M. Tabac chez les jeunes : rôle des facteurs sociaux et familiaux. Courrier des addictions 2014 ;16(1)
(4) Inserm. Conduites addictives chez les adolescents. Une expertise collective de l’Inserm ? Février 2014
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