« Les politiques de lutte contre le tabagisme ont souffert d’un manque de pilotage marqué par de nombreuses faiblesses et des discontinuités préjudiciables » : cette constatation était énoncée dans le rapport de la Cour des comptes de décembre 2012 (1). En effet, si la lutte antitabac a eu le vent en poupe lors du premier plan cancer, elle s’est ensuite déroulée de façon très fluctuante au gré de l’alternance et des personnes et organismes. « Ainsi, souligne la Dr Esmeralda Luciolli, rapportrice à la Cour des comptes, la responsabilité du pilotage n’a jamais été claire, relevant soit du ministère de la Santé, soit de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), devenue la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) en février 2014 ; la politique des prix a varié. On peut néanmoins espérer que la mise en action du Programme national de lutte contre le tabagisme, présenté par la Ministre Marisol Touraine fin septembre s’accompagnera d’une clarification du leadership ».
Question gouvernance, l’exemple anglais est à adopter
Ainsi, jusqu’en novembre 2012, la MILDT s’est essentiellement consacrée à la lutte contre les drogues illicites, sans pour autant être déchargée de la lutte contre le tabagisme, dont elle s’occupait très peu. « Depuis cette date et la nomination d’une nouvelle présidente, précise la Dr Luciolli, cet organisme s’est réinvesti sur le sujet tabac. Ceci dit, le pilotage reste encore à préciser. De fait, il existe un copilotage entre la DGS (Direction générale de la santé) et la MILDECA. Nous avons beaucoup à apprendre des Anglais dans ce domaine ». En effet, il existe en Angleterre une unité, au sein du Ministère de la santé, responsable de la politique antitabac et qui travaille en collaboration avec différents ministères, des associations, des universitaires… Cette coordination a permis de travailler sur l’ensemble des composantes d’une politique de lutte contre le tabagisme (prévention, sevrage, prix et fiscalité, contrôles de la législation et sanctions), la synergie des mesures constituant un des facteurs de succès dans ce domaine.
En France, le suivi des programmes est sous la responsabilité de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), organisme qui dépend de la MILDECA et qui a en charge le recueil, l’analyse et la synthèse des données relatives notamment au tabac, en ce qui concerne la consommation et les ventes. Par contre, les enquêtes sur la consommation des populations spécifiques, et notamment des jeunes, sont conduites par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) dans le cadre des baromètres santé. Il existe ainsi aujourd’hui une dispersion des données qui ne facilite un plan de lutte optimal contre le tabagisme.
Le choix des messages est à parfaire
L’INPES a, d’autre part, la charge des campagnes nationales et du choix des messages. « Les évaluations montrent que les campagnes qui fonctionnent le mieux sont celles qui font intervenir les pairs, explique la Dr Luciolli, notamment au Québec, avec des messages des jeunes vers les jeunes sur la santé certes mais également sur le rôle de l’industrie du tabac. L’INPES commence à travailler cet axe, mais il faudrait un investissement accru de l’Éducation nationale et des enseignants ». À souligner que les buralistes ne jouent pas le jeu pour la vente de tabac aux mineurs. Dans les autres pays, la présentation d’une pièce d’identité par les jeunes ne pose généralement pas de problème. En outre, compte tenu des rentrées fiscales liées à la vente du tabac, les intérêts divergent et on peut se douter que les arbitrages passés n’ont pas été toujours été faits en termes de santé publique. « Mais le Programme de lutte a la vertu d’être volontariste, souligne la Dr Luciolli. C’est encourageant. Reste à établir la gouvernance ».
Entretien avec la Dr Esmeralda Luciolli, rapportrice, 6e chambre de la Cour des comptes
(1) Cour des comptes. Rapport d’évaluation. Les politiques de lutte contre le tabagisme - décembre 2012
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