À 17 ans, 4 % des adolescents se déclarent à la fois fumeurs quotidiens de tabac et consommateurs réguliers (au moins 10 fois par mois) de boissons alcoolisées ou à la fois fumeurs quotidiens de tabac et réguliers de cannabis. 2 % sont polyconsommateurs réguliers de tabac, alcool et cannabis. Seuls 6,6 % des adolescents de 17 ans n’ont expérimenté aucun de ces 3 produits (1).
« Les jeunes qui se présentent à la consultation d’addictologie de l’hôpital Sainte Anne viennent essentiellement pour le cannabis. Parmi ces jeunes consommateurs, demandeurs de soins, la très grande majorité, voire 100 %, fume également du tabac », déclare le Dr Alain Dervaux (Paris). La consommation de cannabis a généralement débuté un ou deux ans après celle du tabac.
Globalement, un tiers de ces jeunes consultent de leur propre gré, un tiers sous la pression familiale et un tiers sur obligation de soins par la justice.
C’est généralement la constatation de leur dépendance qui motive ceux qui se présentent spontanément ; ils ne maîtrisent plus leur consommation, ils ne peuvent diminuer ou arrêter sans aide et ils se rendent compte des effets du cannabis sur leurs fonctions cognitives, notamment la mémoire. Des problèmes de dépression ou d’échec scolaire peuvent activer la demande de sevrage.
« 18 % des patients dépendants au cannabis le sont, ou l’ont été, aussi à l’alcool, souligne le Dr Dervaux. C’est une notion à rechercher systématiquement. La majorité d’entre eux a développé une dépendance au tabac, qu’ils sous-estiment. Généralement, ils ne souhaitent pas se sevrer du tabac en même temps que du cannabis, ce qui ne nous empêche pas d’évaluer la dépendance aux deux substances et de proposer systématiquement une aide au sevrage tabagique, notamment sous forme de patchs de nicotine ».
Voir la vie sans filtre
Les fonctions cognitives (attention, mémoire, fonctions exécutives) sont évaluées avant la prise en charge thérapeutique. D’éventuels troubles psychiatriques sévères, psychotiques ou bipolaires, sont parfois présents mais généralement connus. Les troubles anxieux et/ou dépressifs et les troubles de la personnalité sont plus fréquents. Le statut du conjoint est essentiel à déterminer ; s’il est non consommateur, il représente un soutien actif et souvent déterminant. Sinon, et a fortiori s’il/elle est dépendant-e, c’est une autre affaire…
La prise en charge est psychothérapique, basée sur des entretiens motivationnels et les thérapies cognitivo-comportementales. « Des anxiolytiques comme l’hydroxyzine sont proposés aux consommateurs qui désirent un sevrage immédiat, précise le Dr Dervaux. Mais ils sont nombreux à refuser de peur de créer une nouvelle dépendance. Dans tous les cas, le travail psychothérapique est long et dépend de l’intensité de la dépendance (plus le sujet a commencé tôt, plus elle est forte) et des comorbidités psychiatriques. La prise en charge du jeune consommateur prend du temps ; plusieurs semaines, plusieurs mois et les rechutes sont fréquentes ».
Arrêter le tabac, arrêter le cannabis, c’est voir le monde autrement, c’est gérer de façon nouvelle les situations familiales, sociales, les frustrations, les manières d’éprouver du plaisir, tout cela sans le filtre du produit.
Entretien avec le Dr Alain Dervaux, psychiatre, Service d’Addictologie-CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, Dr X. Laqueille), centre hospitalier Sainte-Anne, Paris
(1) Enquête Escapad 2011. Site de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies)
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