LE QUOTIDIEN : Les médecins généralistes ne sont pas assez formés à la tabacologie et ne sont pas nombreux à assurer le suivi des patients souhaitant arrêter de fumer. Comment l’expliquez-vous ?
DR NATHALIE WIRTH : De façon générale, les médecins ne sont pas assez formés à la prévention, encore moins à la tabacologie. Cette discipline est relativement récente (10 ans) et ses concepts de prise en charge évoluent rapidement. Elle est très peu enseignée, que ce soit dans les facultés de médecine, de pharmacie, dentaires, les écoles d’infirmiers, de sage-femmes et il n’y a aucune obligation d’enseignement. Alors même que l’on sait que tous les professionnels de santé doivent s’impliquer dans la prise en charge du tabagisme si l’on veut réduire sa prévalence.
Par ailleurs, le manque de formation et de temps des médecins généralistes explique en grande partie le fait qu’ils n’assurent pas assez le suivi des patients dans le cadre du sevrage. Les consultations de suivi sont longues et pas mieux rémunérées que les consultations classiques.
Un projet de formation initiale et continue est en cours de préparation. Quelles en sont les cibles et les objectifs ?
Par le biais d’une plate-forme e-learning, un projet initié par la SFT a en effet été accepté, validé et subventionné par l’INCa en octobre 2013. Ce projet qui s’intitule Santé Sans Tabac Enseignement des Professionnels de Santé (STEPS) s’étale sur 3 ans. Il est soutenu par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), la direction générale de la santé (DGS) et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Son objectif est de faciliter et de valoriser la formation en tabacologie pour optimiser la prise en charge du tabagisme et contribuer à réduire la consommation en France. Le module sera adapté à chaque discipline de santé. Nous souhaiterions également faire valider cette formation par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche afin qu’elle puisse être intégrée dans les formations initiales des facultés de médecine, de pharmacie, dentaires et des écoles de sage-femme et paramédicales. Nous devrions connaître la date à laquelle elle sera accessible aux professionnels de santé courant 2016.
Concrètement, comment le médecin généraliste peut-il mettre en œuvre, aujourd’hui, la prise en charge du patient motivé par le sevrage tabagique ?
Le généraliste doit délivrer le conseil minimal d’arrêt. Il doit donner des informations fiables au patient concernant la dépendance et l’arrêt du tabagisme, fondées sur des données scientifiques. Il peut également proposer des entretiens individuels de motivation et de prise en charge du sevrage tabagique ainsi que la prescription de traitements en cas de dépendance nicotinique. Dans tous les cas, un suivi régulier sur une année – au minimum – est recommandé car, comme pour toutes les addictions, le risque de rechute est important.
Il existe un réel problème d’accès au remboursement des substituts nicotiniques. Que propose la SFT pour améliorer la situation en la matière ?
Les bénéficiaires de la CMU, les patients atteints de cancer, les jeunes (entre 20 et 30 ans) et les femmes enceintes ont droit à 150 euros de remboursement par an. À l’heure où les traitements de sevrage pour l’alcool et les opiacés sont intégralement remboursés par la sécurité sociale, ce n’est pas le cas pour l’addiction à la nicotine. Ce qui est totalement incompréhensible et incohérent.
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